Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)

La diplomatie sur selle

Invitée par ASO pour la première fois sur le Tour, l’équipe Israël Start-Up Nation a des ambitions sportives mais sert aussi d’objet diplomatiq­ue pour Israël. Drôle de mélange

- MATHIEU FAURE

Le sport est un formidable outil de promotion, le Qatar l’a bien compris en devenant propriétai­re du Paris Saint-Germain. On appelle ça le sportswash­ing, un procédé connu qui consiste à s’approprier les valeurs positives véhiculées par le sport pour lisser l’image d’un pays. C’est ainsi qu’une équipe israélienn­e - Israël Start-Up Nation - va disputer son premier grand Tour. L’équipe, dirigée par le milliardai­re et passionné de cyclisme Sylvan Adams fait figure d’ovni dans le peloton.

Hier, en conférence de presse, le patron de l’équipe a encore tenu à répéter son leitmotiv. « C’est important pour nous d’être sur le Tour de France avec le maillot d’Israël. Nous avons deux missions, celle de promouvoir le développem­ent du sport en Israël mais aussi partager les valeurs de notre pays. Le Tour est le troisième événement sportif le plus diffusé au monde après la Coupe du monde de football et les Jeux Olympiques. C’est l’opportunit­é idéale pour promouvoir nos valeurs : l’ouverture, la tolérance, la diversité, la paix ».

Un discours qui a du mal à passer pour certains azuréens qui, regroupés sous un collectif, ont fait savoir leur mécontente­ment quant à la présence de l’équipe israélienn­e sur la Grande boucle (lire ci-dessous).

La diplomatie du ping-pong .

Sylvan Adams, le big boss de l’équipe, prend le sujet très à coeur de son côté. Fils de déporté roumain, ce Canadien d’origine a construit sa fortune dans l’immobilier avant de faire en 2015 son alya, c’est-à-dire son immigratio­n en Israël. Dans son discours, le sport doit servir d’émissaire de paix. Ainsi en février dernier, Israël Stat-Up Nation était présent sur le Tour des Émirats Arabes Unis, un pays avec lequel Israël n’avait aucune relation diplomatiq­ue jusqu’aux accords Abraham du 13 août dernier.

Pour Adams, le cyclisme a aidé, à son niveau, à la normalisat­ion des relations entre les deux pays. De la diplomatie sportive qui ressemble, un peu, à celle du ping-pong qui existait entre les États-Unis et la Chine dans les années 1970 lors d’échanges de joueurs de tennis de table. L’homme a du bagout mais aussi de l’argent puisqu’en 2018 Adams et sa fortune étaient parvenus à délocalise­r les trois premières étapes du Tour d’Italie en Israël.

« Depuis, le cyclisme est devenu un sport très populaire en Israël, on essaie de le développer encore plus au sein d’une académie qui doit permettre à des jeunes israéliens d’accéder au World Tour », poursuit Adams.

Sur l’édition 2020, Guy Niv sera ainsi le premier coureur israélien à prendre le départ de la plus grande épreuve de cyclisme au monde.

Dans l’effectif cosmopolit­e, on retrouve le Français Hugo Hofstetter (26 ans). Lui aussi va découvrir le

Tour. « C’est une fierté de le faire avec ce maillot, avancet-il. En décembre, nous avons fait un stage en Israël où de nombreuses visites étaient au programme comme Jérusalem, Tel-Aviv. C’est une manière de s’imprégner du pays, de ses valeurs. On le voit sur les routes, les gens sont réceptifs, ça fait plaisir. »

L’ambition ?

Une victoire d’étape

Reste que le Tour de France est avant tout une épreuve sportive avant d’être un ersatz de l’ONU.

Pour que l’équipe israélienn­e réussisse son coup, il faut briller sur les routes du Tour. L’arrivée prochaine de Chris Froome, quadruple vainqueur du Tour, est un premier coup de tonnerre. Au sein de l’équipe, on se prend même à rêver à une victoire finale en 2021 (lire ci-contre). Mais pour 2020 c’est l’Irlandais Dan Martin, double vainqueur d’étapes sur le Tour et lauréat de Liège-Bastogne-Liège en 2013 ainsi que du Tour de Lombardie en 2014 - qui fera office de tête de gondole. Victime d’une chute lors du Dauphiné, l’Irlandais devrait s’éloigner du classement général. « Il faut se montrer d’entrée, ça va attaquer dès les premières étapes. On ne peut pas ambitionne­r le général et des victoires d’étapes, ce sont deux manières de courir différente­s. »

C’est certain qu’une victoire d’étape du maillot d’Israël Start-Up Nation pour une première participat­ion au Tour de France sonnerait comme une franche réussite pour Sylvan Adams.

 ?? (Photos AFP) ?? L’équipe israélienn­e lors du dernier Tour des Émirats arabes unis alors que les deux pays n’avaient aucune relation diplomatiq­ue depuis . Le  août dernier, les deux pays ont signé les accords Abraham. Lorsqu’il sera formelleme­nt signé, les Émirats arabes unis seront le troisième pays arabe, après l’Égypte en  et la Jordanie en , à normaliser ses relations avec Israël.
(Photos AFP) L’équipe israélienn­e lors du dernier Tour des Émirats arabes unis alors que les deux pays n’avaient aucune relation diplomatiq­ue depuis . Le  août dernier, les deux pays ont signé les accords Abraham. Lorsqu’il sera formelleme­nt signé, les Émirats arabes unis seront le troisième pays arabe, après l’Égypte en  et la Jordanie en , à normaliser ses relations avec Israël.

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