Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)

On a testé le ski freestyle… en plein mois d’août !

Vidauban J’ai chaussé mes skis, mouillé le maillot et me suis entraînée avec les pros de ski freestyle de Courchevel. Mais comme je n’ai pas leur niveau, j’en ai pris plein la figure

- ANAÏS GRAND agrand@nicematin.fr

Je suis morte de trouille. Devant l’entrée du Water jump de Vidauban, je martyrise mon téléphone et harcèle mes collègues de messages. «Jeneveux pas y aller. J’ai peur. »

« Non, mais non. Je ne peux pas. Ce n’est pas possible. » «Jevaismeta­perlahonte!»

« Faites quelque chose ! Je vous en supplie. »

«Help!»

Ils ont beau me réconforte­r, essayer me motiver, rien n’y fait. Je tremble. Littéralem­ent. Encore plus lorsqu’en levant la tête, je vois l’équipe profession­nelle de ski freestyle de Courchevel s’équiper pour aller s’entraîner à sauter. Attendez. Ce sont… des enfants ? C’est bon. J’abandonne. Demi-tour illico presto. Il n’y a même pas à comprendre. Des minots. Vous me voyez vraiment me ridiculise­r devant des gosses en essayant de faire une figure potable dans les airs à partir d’une piste qui n’est même pas en neige ? C’est trop pour moi.

Oh non. Trop tard. Les portes s’ouvrent. Il faut y aller. La poisse...

« Ce n’est pas si mal... »

À contrecoeu­r, j’enfile mes chaussures, attrape une paire de skis, un casque et rejoins les huit champions sur l’estrade. Évidemment, je retarde le moment fatidique. Une marche. Trente secondes de pause. Deuxième marche.

« Aller, dépêche-toi ! Tu vas t’éclater », me lance un animateur. Ah ça, jamais. Je vais plutôt me casser une jambe, oui ! Arrivée devant la première piste de ski sèche, je me liquéfie instantané­ment.

C’est haut. Je ne veux pas sauter.

Je tente de m’évaporer discrèteme­nt dans la nature. Mais avec mon allure de RoboCop des cîmes, irréalisab­le.

« Hop hop hop, reviens là, tu vas tester ici une première fois. N’aie pas peur, c’est plus doux que sur de la vraie neige. L’eau amortie les chocs », tente-t-il de me convaincre. Alors que je m’avance, un gamin exécute un salto sur la piste voisine. Je recule. Finalement, ça ne va pas le faire pour moi. Je suis venue, j’ai vu, je suis... « repartue » ! Mais impossible de faire machine arrière. La file d’attente s’impatiente. D’accord. Mais alors, un seul saut.

Je gaine mes abdos – inexistant­s –, fléchis mes genoux tremblants, regarde loin devant et je m’élance. Au secours ! Je prends de la vitesse. J’arrive sur le tremplin ; je saute ; je vole ; je perds l’équilibre.

Et je tombe. Splash ! Joli plat. J’essaie de rejoindre tant bien que mal le ponton. Les skis m’empêchent de nager. Je fais du surplace. Un maître nageur vient me secourir. Pour lui faire comprendre que je lui en veux de n’être pas intervenu plus tôt, je le laisse m’extraire de l’eau sans l’aider. À la force des bras, mon petit gars ! Tu m’as laissé en plan, alors débrouille-toi.

Il m’attrape la main, tire de toutes ses forces. Petit à petit, mon corps émerge. Les skis aussi.

Et il me laisse en plan ! Sympa. Pour le réconfort, tu repasseras.

« Ce n’était pas si mal », rigole Thomas Fouchard, le coach profession­nel de ski freestyle. Tu parles. À pleurer. Avant de remonter en piste, je laisse passer Lola et Lucas. La fillette de 11 ans exécute un salto avant. Presque parfait. Le benjamin du groupe, 9 ans, tente un 360 degrés. Même résultat. Puis vient mon tour. « Maintenant, tu es prête pour tenter le salto », glisse l’entraîneur. Jamais ! Je vais essayer d’atterrir sur mes skis, déjà. Ça serait un bon début. Mon entraîneur me conseille sur la posture et je m’élance… Encore un plat.

À quoi bon ? Je fais honte aux champions. Ce n’est pas avec ma petite troisième étoile que je vais réussir à faire un backflip (salto arrière). La seule fois où j’ai réalisé une “figure”, c’était en dévalant, involontai­rement, une piste noire bossée en roulé-boulé. J’en ai perdu mon masque, mes bâtons, mes skis, mon bonnet, mon écharpe… Je vous laisse imaginer le résultat. Eh bien, c’est la même chose aujourd’hui : sans aucun style.

Je décide tout de même de retenter le coup. On ne sait jamais. Sur un malentendu, ça peut marcher. D’autant plus que je n’ai pas envie de rester sur un échec. Je décide d’imiter le garbs parfaiteme­nt effectué de Lucas, le plus jeune de la bande. Bien sûr, Thomas semble surpris, taquin, rictus aux lèvres. Quoi ? Trop ambitieuse, la novice ? Tu vas voir, mon cadet, tu vas en prendre plein les yeux.

« Lorsque tu arrives à la fin, il faut bien pousser sur tes jambes pour t’envoler. Dans les airs, tu lèveras les genoux et toucheras ton ski. C’est celui-ci qui doit venir à toi. Pas l’inverse. Compris ? Aller, c’est parti ». Duel de regard avec la piste verte synthétiqu­e. Je vais en découdre avec toi sur-le-champ, ma cocotte.

Je m’élance sans hésitation, prends de la vitesse, pousse un cri d’angoisse, saute, effectue la figure et termine dans l’eau sur le côté, presque la tête la première. C’est bon. Je déclare forfait.

De toute manière, ça fait bien longtemps que je suis disqualifi­ée.

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Maintenant tu es prête pour tenter le salto ?” Jamais !

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