Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)

Fait déborder la cascade

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ter le site cet été ». En vain. Seule solution à court terme pour stopper l’afflux : interdire l’accès à la cascade. « Mais ce serait se priver de retombées économique­s pour la commune ». La municipali­té ne s’y est pas résolue : elle est propriétai­re des parkings aux abords du site et les quatre restaurant­s de Sillans comptent sur les touristes. Au village, on raconte aussi que les deux policiers municipaux ont dressé des PV tout l’été.

La cascade – 40 mètres de torrent qui tombe dans la Bresque – se situe en contrebas du bourg. « Les municipali­tés précédente­s ont tout fait pour que les visiteurs de la cascade passent par le village. On a même encore un panneau indiquant la cascade qui pointe vers le coeur du village ! », rembobine Michel Apostolo.

« Comment est-ce qu’on va là ? »

Une fois garés, les visiteurs alpaguent les écogardes. Leur question préférée : « Où est-ce qu’il n’y a personne pour aller se baigner ? » La deuxième : « Comment est-ce qu’on va là ? » Là, c’est le décor de la photo Instagram, tronc d’arbre et eau turquoise. Une jeune femme raconte : « La photo d’une influenceu­se en particulie­r est beaucoup revenue. Apparemmen­t, sa passion serait les cascades. Au mois d’août, tout le monde cherchait à retrouver l’endroit où elle l’avait prise. Tous les jours, c’était plusieurs personnes. J’essayais de leur dire que cet endroit n’était pas accessible, mais c’était difficile. » La jeune femme a beau expliquer que le chemin en question se situe sur une propriété privée. « S’ils y vont, ils risquent des poursuites, une amende… Bon. Ça n’a pas découragé tout le monde. » Gérard hoche la tête : « C’est

(1) même devenu une vraie plage. » En face de lui, une enfilade de petites vasques qui se déversent les unes dans les autres, encadrées par des arbres aux troncs minces et noueux. Un homme avec un chien s’avance vers le torrent. « Excusezmoi Monsieur, vous devez sortir de l’eau, la baignade n’est pas autorisée. » L’homme a eu le temps de se tremper les mollets. « Il se rafraîchit un peu, il fait tellement chaud », plaide la femme qui l’accompagne. Gérard : « Il faut sortir. » L’homme finit par s’exécuter. Gérard hausse les épaules : « Parfois, il faut appeler la gendarmeri­e. » Il est employé ici depuis plusieurs années, et a vu son environnem­ent de travail changer à l’oeil nu. « Regardez les racines, comme elles sont apparentes. Chaque année, elles le sont de plus en plus. » Il étend le bras : « Pourquoi je dis que c’est à cause des réseaux sociaux ? On voit des gens qui arrivent ici, passent devant nous sans rien demander, ils ne s’arrêtent pas, parce qu’ils savent où ils vont. » Ce que Gérard appelle la plage, c’est un petit bout de terre coincé entre les rochers, les arbres et l’eau. « Je ne vous dis pas tout ce qu’on a déjà retrouvé là. »

« Je suis dégoûté par ce que j’ai vu »

Damien est fatigué. La vingtaine,

(1) t-shirt beige et short marron, il grimpe au pas de course le chemin qui fait le tour la cascade pour la dernière fois de la journée. « Attendez, je vais vous montrer quelque chose. Regardez, là. » Il désigne un sous-bois. Dans les buissons recouverts de poussière, des mouchoirs en papier souillés ont été abandonnés. Il grimace : « Les toilettes sauvages, c’est la plaie. C’est ça partout, toute la journée. » Étudiant l’année, il a travaillé en tant qu’écogarde à Sillans tout l’été. « Je suis dégoûté par ce que j’ai vu. Le comporteme­nt des gens. Je ne comprends pas. Je ne sais pas encore ce que je veux faire plus tard, mais ça ne sera pas ça, pas ici, je veux être dans la montagne et surtout voir le moins de monde possible. »

« Tout le monde cherchait l’endroit où la photo avait été prise»

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