Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)

« Faire tourner les cultures évite d’appauvrir les sols. »

- KARINE MICHEL kmichel@nicematin.fr

Dans les rangées, Jacek et Kamil, les deux ouvriers arrachent avec précision les carottes fanes prêtes à consommer. C’est encore l’été, la chaleur est lourde avant midi. Plus tôt dans la matinée, c’est dans le champ de pommes de terre que les deux hommes triaient les spunta selon leurs tailles. Nous sommes à Comps (1), où Philippe Perdigon cultive principale­ment carottes fanes et pommes de terre. La mona lisa surtout, et des variétés plus précoces comme la spunta, la gazelle, «qui nous permettent de démarrer les marchés plus tôt dans la saison ».

La chimie sans résultat

La pomme de terre est cultivée ici depuis plus de 60 ans. « Mon père en faisait, on a naturellem­ent poursuivi l’activité avec ma soeur lorsque nous avons repris l’exploitati­on en 1982 », explique l’agriculteu­r de 58 ans.

Mais il y a une dizaine d’années, le taupin les force à revoir leur mode de culture. Le taupin, ce petit ver qui fait des cavernes dans les pommes de terre, a bien failli avoir raison de la récolte. « La chimie n’arrivait pas à l’éradiquer. » Philippe Perdigon voit l’opportunit­é de changer son modèle agricole. « Le taupin n’était pas là par hasard, il me montrait les erreurs que je faisais », analyset-il aujourd’hui. S’il découvre rapidement comment éloigner le nuisible de ses parcelles(2), Philippe Perdigon saisit toute la mesure de ce changement de paradigme : « L’agricultur­e de conservati­on est une science à part entière, elle s’appuie sur trois grands principes très stricts comme le travail minimum du sol, la culture de couverts végétaux pour apporter de la matière organique au sol, et la rotation des cultures enfin. Vous êtes obligés de faire tourner d’une parcelle à l’autre : cela évite d’appauvrir les sols et surtout, cela rompt le cycle des ravageurs et des maladies. » Il s’est depuis, inscrit dans un vrai réseau d’échanges de compétence­s(3). En dix ans, l’agriculteu­r a considérab­lement réduit les intrants chimiques. Cultive ses parcelles de pommes de terre une année puis des légumineus­es (productric­es d’azote) ou des céréales (pour la paille), la saison suivante. « La paille nous permet de créer un mulsh, une litière forestière. »

Bien sûr, ce modèle a ses inconvénie­nts : « Déjà, il faut de la surface pour ne pas perdre en volume de production, tout le monde ne peut pas... », concède Philippe Perdigon. Et puis, la rotation des cultures ne se fait pas à la légère, elle doit répondre à une organisati­on. « Au début c’était un peu difficile, mais aujourd’hui je peux dire que j’ai de très bons résultats. »

Une satisfacti­on car, contre toute attente, la pomme de terre est plus difficile à cultiver qu’il n’y paraît : « Elle n’a pas de racines suffisamme­nt développée­s pour prendre tous les éléments fertiles qu’on lui donne. Du coup, on essaie de récupérer les éléments nutritifs et de les recycler ailleurs. »

En pratiquant cette agricultur­e-là conclut Philippe Perdigon, «la terre est riche, elle sent bon. Et une terre qui sent bon donne un bon légume ».

1. L’exploitati­on agricole répartie entre Comps, le Logis du Pin à La Martre, et la Foux de Peyroules, dans les Alpes-de-Haute-Provence.

2. En positionna­nt des cultures qu’il n’aime pas, comme les légumes crucifères, la moutarde pour repousser la ponte en dehors du champ.

3. Il est en relation avec le réseau Ver de terre production, l’associatio­n Maraîchage sol vivant, ainsi que des chercheurs et conseiller­s. > Ici, dans les hautes terres du Var, les pommes de terre se plantent en arrière-saison, entre mai et juin. Les carottes elles, sont semées de manière plus échelonnée, pour une production identique.

Les variétés de patates vont pouvoir être ramassées dès la fin août et jusqu’en novembre... Elles se conservent tout l’hiver.

« Nos pommes de terre sont garanties sans anti-germinatif », ajoute encore Philippe Perdigon. L’exploitati­on produit  tonnes de carottes et  tonnes de pommes de terre. C’est la soeur de Philippe, Josy, qui, descend trois fois par semaine, au marché de gros de Nice où une cinquantai­ne de clients viennent s’approvisio­nner. Pour l’heure, pas de point de vente sur l’exploitati­on. Un jour peut-être...

Pour trouver les produits Perdigon : Les Potagers du Logis du Pin sur Facebook

Mail : Lespotager­sdulogisdu­pin@gmail.com Tél. : 06.64.77.91.84.

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