Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)
APRÈS LE DÉPART DE MALAUSSÉNA
Pendant sept mois, à partir de septembre 1870, la ville sera sans maire et connaîtra une valse d’administrateurs et de préfets.
Les choses allaient mal en France il y a cent cinquante ans. Le 2 septembre 1870, à Sedan, l’empereur Napoléon III était fait prisonnier et capitulait face à la Prusse. Le 4 septembre, l’Empire était aboli. La IIIe République était proclamée par Gambetta.
Les conséquences allaient se succéder en cascade. A Nice, elles aboutiraient au départ précipité de son célèbre maire François Malausséna, créant pendant plusieurs mois une situation explosive.
Prisons ouvertes
Le 4 septembre, la salle du conseil municipal est envahie par un groupe de Républicains à la tête desquels se trouve Auguste Raynaud. La situation de Malausséna – le maire qui a effectué dix ans plus tôt le rattachement de Nice à la France – est compromise. Pendant que les partisans de la République se font entendre, une autre partie de la population milite pour le retour de Nice à l’Italie : « Viva Italia ! Viva Garibaldi ! » Le célèbre Niçois Garibaldi est en effet pour que sa ville soit italienne. Le désordre s’installe dans la ville. Des insurgés ouvrent les portes des prisons, vandalisent les commissariats de police, ainsi que le rapporte Henri Courrière dans son Comté de Nice et la France (Presses universitaires de Rennes). Le préfet Denis Gavini de Campile, à qui la situation échappe, quitte Nice le 6 septembre et se réfugie à Monaco. Un nouveau préfet, Pierre Baragnon, nommé par Gambetta, arrive le 8 septembre. Il ne réussira à rester qu’un mois sur place. Première décision : chasser Malausséna. Il le remplace, le 11 septembre, à la tête de la municipalité de Nice, par un certain Louis Piccon. Cela dans l’attente d’élections prévues le 25 septembre.
Etat de siège à Nice
Qui est Piccon ? Un ancien député au Parlement de Turin, donc attaché à l’Italie. A quoi a pensé le nouveau préfet en mettant à la tête de la ville un maire pro-Italie ? Piccon a, certes, fait officiellement allégeance à la République française, mais quand même !
Dès le conseil municipal du 13 septembre est prise une mesure symbolique : débaptiser la place Napoléon. Au profit de quel nom ? Garibaldi ! Un partisan du retour à l’Italie !
Les partisans de la République française n’apprécient pas. Ils se constituent en comité, manifestent dans les rues, s’arment. Le parti bonapartiste, de son côté, se déclare toujours vivant et continue à faire parler de lui. La ville est tout sauf apaisée. Pendant ce temps, la situation en France n’est pas meilleure. Les négociations avec Bismark n’ayant pas abouti, la guerre avec la Prusse continue. Elle s’amplifie même. Paris sera encerclé, Gambetta devra s’échapper en montgolfière pour rejoindre son gouvernement installé à Tours. Dans ces conditions, il n’est plus question d’organiser les élections municipales prévues le 25 septembre. Le préfet décrète un état de siège à Nice.
Réalisant que le choix de Piccon comme maire n’était pas le bon, il le démet de ses fonctions treize jours après l’avoir nommé. Il n’y aura plus de maire à Nice mais une commission présidée par le préfet. Tout tangue dans la ville.
Le 8 octobre, Gambetta rappelle le préfet Baragnon un mois après l’avoir fait venir. Il le remplace par un jeune avocat qui a accédé un mois plus tôt au poste de maire de Toulon et qui doit donc démissionner de cette fonction : Noël Blache.
De commission en commission…
Celui-ci restera en place… deux semaines à Nice !
Il estime qu’il faut faire appel à l’armée et réclame un renfort de cinq cents hommes.
Cela ne plaît pas à Gambetta qui envoie au bout d’une semaine un nouveau préfet, Marc Dufraisse. Le nouveau préfet joue l’apaisement. Il souhaite « administrer le département sans mesures exceptionnelles ».
Et c’est ainsi que, de mesure «non exceptionnelle » en mesure «non exceptionnelle », de commission en commission, et avec... un énième nouveau changement de préfet, Nice va aller jusqu’aux élections municipales d’avril 1871. La ville sera sans maire pendant sept mois !
C’est alors qu’arrivera Auguste Raynaud – un nouveau maire dont le nom, plus tard, deviendrait un boulevard.
« A quoi a pensé le nouveau préfet en mettant à la tête de la ville de Nice un maire pro-Italie ? »