Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)

Les deux visages d’un verrier d’art inspiré

Verrier d’art l’été, exploitant forestier le reste de l’année, Léonard – dit Léo’n’art – fait tout pour continuer d’exercer sa passion. Dans son petit atelier, il dévoile son univers poétique

- ANAÏS GRAND agrand@nicematin.fr

Une semaine sur deux, retrouvez le portrait d’artisans de la Dracénie et du Haut-Var, qui se transmette­nt leur passion et leur savoir-faire. Aujourd’hui, rencontre avec Léonard Fine, souffleur traditionn­el de verre à Mons.

J’ai la sensation de toucher le feu avec mes mains. Le verre, ça a un aspect magique. » Devant son atelier, pensif, Léonard Fine regarde dans le vide. Il ne laisserait tomber pour rien au monde sa passion. « Mon activité première, c’est souffler du verre. Mais pour en vivre, je cumule avec le travail d’exploitant forestier », glisse-t-il. Car ça demande beaucoup de temps, d’énergie et d’argent.

Il faut une semaine pour que son four atteigne les 1 200 degrés, une autre encore pour l’éteindre complèteme­nt. « Si ça chauffe ou refroidit trop vite, il peut exploser. Le matériau crée de la tension thermique. »

Avec une tonne de gaz consommée toutes les trois semaines pour chauffer ses trois fours, la facture peut grimper à 2 500 euros à la fin du mois. Et chaque jour de travail en été, il boit six à sept litres d’eau. Dans l’atelier, la températur­e peut frôler les 45 degrés. «Il faut supporter la chaleur. Mais je n’y fais pas attention… » Léonard découvre ce métier d’art à l’adolescenc­e. À 18 ans, il saute le pas et se lance dans un CAP dans l’Allier. Il exerce à Biot pendant quatre ans. En 2006, il décide de voler de ses propres ailes et retourne à Mons, son village natal.

« De là, j’ai tout fabriqué moi-même. » Des outils jusqu’à l’oeuvre finale, en passant par les fours. « Il n’y a que le cabanon qui m’a été prêté par la municipali­té. » À l’intérieur, presque tout est de la récupérati­on. Pour attraper ses créations dans le four de réchauffe, l’artisan utilise une pince fabriquée avec des freins de vélo. Comme support de vases, du bois récupéré dans la forêt lors d’une balade. Pour tenir les abatjour de ses lampes, il demande à un jeune forgeron de les créer surmesure. Dans sa brouette, des éclats de verre limpides.

Il cueille la matière avec sa canne, souffle dans le tube, lisse la bulle sur son plan de travail préalablem­ent saupoudré de poudre ou d’éclats de verre colorés. Puis il réchauffe sa sculpture dans un deuxième four. Façonne la forme avec ses petites pinces de métal sans jamais utiliser de moule. Le tout, rapidement : « Ça se solidifie très vite. Je peux créer une pièce en quinze minutes. »

Léonard s’amuse avec les formes, les nuances et les textures. Sans porter de gant, ni la moindre protection.

« J’ai l’impression de toucher le feu. On peut faire tout et n’importe quoi avec cette matière quand elle a la texture du miel. Il faut l’apprivoise­r. Non. En fait, c’est à nous de nous adapter. »

Lorsqu’il parle de son métier, ses yeux brillent et ses mains brassent l’air. Pour autant, il ne s’est jamais considéré comme étant un artiste. « Il faut des années de pratique. On découvre en permanence une nouvelle technique, parfois par hasard. On apprend sans cesse dans ce métier. »

À 42 ans, il a souvent l’impression que tout a déjà été inventé. Et pourtant… « Je crois que j’ai créé quelque chose. Mais je garde le mystère tant que je n’en suis pas sûr. » Un objet ? Chacune de ses pièces est unique. Léonard ne fait jamais rien à l’identique. Il souffle du verre comme il soufflerai­t des rêves.

‘‘ Je crois que j’ai créé quelque chose… mais je garde le mystère ”

 ??  ??
 ?? (Photos Philippe Arnassan et DR) ?? Léonard Fine pense avoir inventé quelque chose. Mystère…
(Photos Philippe Arnassan et DR) Léonard Fine pense avoir inventé quelque chose. Mystère…
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France