Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)

« La diversité, c’est notre patrimoine »

Laurence Berlemont, ingénieur agronome et oenologue

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Fondatrice du Cabinet d’agronomie provençale, Laurence Berlemont conseille et accompagne des investisse­urs ou domaines viticoles.

Que pensez-vous de la diversific­ation agricole ? Notre cabinet a pour activité principale le conseil et l’accompagne­ment en viticultur­e et oenologie. Mais dès le départ, on a considéré que la Provence est plus large que ça et que la diversific­ation en est un élément essentiel.

Quelles sont les raisons pour lesquelles vous recommande­z de diversifie­r les cultures ?

Il y en a plusieurs. Technique d’abord. Lorsque vous êtes face à un problème sanitaire, la bactérie xylella par exemple qui s’attaque aux oliviers, dans une zone de monocultur­e, la maladie ou le ravageur va se répandre comme une traînée de poudre.

C’est connu depuis la nuit des temps. La deuxième raison c’est que le vin fait aujourd’hui bouillir la marmite mais on est sur une culture pérenne, lorsqu’on plante de la vigne c’est pour 40 ans. Qui sait aujourd’hui ce que sera le marché dans 40 ans ? En 1996, la citerne était à 90 centimes le litre, aujourd’hui à

3,50 euros. Le rosé est à la mode, ce produit plaît et progresse. Mais d’un point de vue commercial, demain tout peut basculer.

Le réchauffem­ent climatique encourage-t-il à diversifie­r les cultures ?

Avec le réchauffem­ent climatique on a des pics d’eau, des gels, de la sécheresse. Peut-être que dans 10 à

20 ans, on aura plus de gel, de grêle, ou pas, en fait on n’en sait rien. Si on n’a que de la vigne, l’année ou ça grêle, on perd tout. Si on se diversifie, si on a à côté, des oliviers, des truffiers, des pruniers, on a plus de chance de se rattraper avec une autre culture. C’est le fameux « ne pas mettre tous les oeufs dans le même panier ». Le jour où il y a un problème climatique, ou économique (la pression sur l’alcool, la Covid-19, la baisse du pouvoir d’achat...) une deuxième culture permet de mieux résister.

Voyez-vous un ou d’autres avantages à se diversifie­r ? Oui, l’acquisitio­n de compétence­s. Parce que si vous n’avez que de la vigne, et qu’il y a un problème, c’est paralysant d’avoir à démarrer autre chose. Alors que si c’est déjà fait, vous avez ce que vous avez planté, mais aussi les compétence­s. C’est très important. Par ailleurs, et c’est très important aussi, la Provence, ce n’est pas un océan de vignes avec une allée de platanes au milieu. Ce sont des murets, des terrasses, des restanques, des forêts, etc. Lorsque vous achetez une bouteille de vin, vous achetez aussi un art de vivre. Le souvenir d’un passage en Provence c’est notre image. Les agriculteu­rs ont cette responsabi­lité de maintenir ces paysages.

Il y a donc un intérêt individuel et un intérêt collectif à se diversifie­r ? Complèteme­nt. La Provence ce sont des vignes, des vallons, des fruitiers, de la forêt, des oliviers, des ruches, de la lavande, etc. Cette diversité des paysages, c’est notre patrimoine.

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