Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)

À Antibes on s’interroge sur le bien-être des arbres

Interview Catherine Ducatillio­n, directrice de l’unité expériment­ale de la Villa Thuret, revient sur les rencontres Arbres d’avenir en Méditerran­ée. Quelle est leur vraie place en ville ?

- RECUEILLI PAR M.-C. A mabalain@nicematin.fr

Comment s’adapter aux changement­s, notamment climatique­s, et choisir les espèces pour les villes de demain ?

Les premières graines de cet ambitieux programme ont été semées lors du séminaire Arbres d’avenir en Méditerran­ée qui s’est tenu par visioconfé­rence, pandémie oblige. Une première rencontre, concrète, même par la voie numérique, confinemen­t oblige, réunissant tous les spécialist­es et profession­nels de l’arbre, autour d’un projet lancé en 2019 par un comité scientifiq­ue formé par Michel Pena, président de l’associatio­n Paysages, Philippe Dalmasso, les associatio­ns Hortis (les responsabl­es d’espaces nature en ville) et AITF (Associatio­n des ingénieurs territoria­ux de France).

On plante beaucoup d’arbres en ville, c’est plutôt rassurant ? Oui, cela veut dire qu’il y a une prise de conscience des politiques par rapport aux services que peut rendre l’arbre en milieu urbain : lutte contre la pollution, rafraîchis­sement de la températur­e… et aussi le bien-être au moral que peut procurer la présence des arbres.

Maisilyaun­mais?

Après, il ne faut pas planter à outrance et n’importe comment. La question fondamenta­le à se poser est le bien-être des arbres. Un sujet mal planté, dans un lieu qui ne convient pas, ne rendra pas tous les services qu’on espère de lui. Il dépérira. D’où la nécessité de bonnes conditions de plantation, de suivi et bien sûr, il y a le choix des essences.

Face aux évolutions climatique­s, il faut de nouvelles essences ? C’est la question centrale du projet Arbres d’avenir en Méditerran­ée qui a débuté en 2019 et qui réunit scientifiq­ues et profession­nels spécialist­es de l’arbre, comme les pépiniéris­tes, les responsabl­es des services environnem­ent des communes, etc. Nous sommes face à l’évidence : d’ici quelques décennies, nos villes méditerran­éennes auront le même climat qu’au Maghreb, actuelleme­nt. Il y a aussi la lutte à mener contre les différents insectes ravageurs qui menacent gravement certaines essences. Il faut travailler, en synergie, à trouver les arbres et arbustes de demain et aider ainsi les producteur­s à s’adapter. L’un des objectifs de ces premières rencontres était de faire le point sur les problémati­ques rencontrée­s par les pépiniéris­tes.

Les pépiniéris­tes sont en première ligne ?

Ils doivent déjà revoir leur mode de culture en raison des épisodes de sécheresse répétés. C’est notamment le cas pour ceux qui travaillen­t avec un mode très respectueu­x de la croissance de l’arbre. Il faut par exemple arroser davantage ou plus souvent. En 2019, les profession­nels et les associatio­ns de la région nous ont demandés, nous scientifiq­ues, de les aider. C’est ainsi que le projet est né.

L’objectif est d’offrir une nouvelle palette de ligneux ?

Oui, pour les pépiniéris­tes et les collectivi­tés. Mais, ce n’est pas comme livrer un « catalogue clé en main ». C’est un travail à long terme. Il y a une méthodolog­ie scientifiq­ue à respecter pour le choix des espèces : mobiliser les bonnes informatio­ns, définir les critères de sélection rationnels les valider puis les mettre en place. À l’UE de la Villa Thuret, deux étudiants travaillen­t déjà à l’élaboratio­n de tous ces critères.

Quand peut-on espérer cet outil de travail ?

On espère pouvoir présenter une première liste d’espèces à utiliser en 2021. Il faut aussi mettre en place un protocole d’accord liant les services environnem­ent des collectivi­tés publiques, les pépiniéris­tes, les scientifiq­ues, les associatio­ns dédiées à l’arbre, etc.

On peut s’inspirer de l’exemple d’autres régions françaises ? Oui, certaines régions ont de l’avance, par exemple, sur la place de l’arbre dans les villes et des représenta­nts ont participé au séminaire. C’est le cas du plan canopée mené depuis longtemps par la métropole Grand Lyon et la métropole de Nantes. Des expérience­s concrètes de villes qui investisse­nt et s’engagent pour protéger, accroître et valoriser leur patrimoine boisé. Évidemment, la problémati­que en Méditerran­ée est différente mais ces expérience­s sont encouragea­ntes.

Est-ce que des essences sont condamnées à disparaîtr­e ?

Il faut réfléchir à autre chose que ces alignement­s de grands arbres que nous avons toujours connus. Cela ne veut pas dire éliminer platanes, ormes, etc même s’ils sont malades mais il faut diversifie­r les plantation­s. Il faut davantage de diversité et d’interactio­n entre les espèces. Plus de symbiose. C’est un ensemble, notamment avec le rôle des graminées, de certains insectes ou champignon­s. Davantage de diversité dans les plantation­s permet de ne pas miser, uniquement, sur une espèce d’arbre qui, un jour, peut disparaîtr­e.

Le palmier, fragilisé par le charançon rouge… ? Vous savez, les palmiers sont arrivés relativeme­nt tardivemen­t sur la Côte d’Azur, même s’ils constituen­t son paysage à part entière. À la Villa Thuret, nos palmiers ont été introduits en 1860. C’est récent à l’échelle des plantes ! La lutte contre le charançon rouge qui décime les palmiers du pourtour méditerran­éen nécessite des moyens financiers énormes. Les villes font des efforts notables mais la lutte semble perdue. Alors, peut-être faut-il s’habituer d’ores et déjà à un autre paysage… Cela s’est produit durant des siècles.

 ?? (Photo archives M. B.) ?? Catherine Ducatillio­n (à droite), ici en compagnie d’Yvette Datée, chargée de mission de l’INRA. C’était en 2007, lors de la création du centre de formation et d’expertise dédié à la végétation méditerran­éenne et son adaptation à la sécheresse.
(Photo archives M. B.) Catherine Ducatillio­n (à droite), ici en compagnie d’Yvette Datée, chargée de mission de l’INRA. C’était en 2007, lors de la création du centre de formation et d’expertise dédié à la végétation méditerran­éenne et son adaptation à la sécheresse.

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