Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)

Lymphoedèm­e : une consultati­on dédiée

Soins Une main tendue vers ces milliers de malades qui, suite à un traitement contre un cancer, souffrent de ce trouble vasculaire chronique. Le CHU de Nice ouvre une structure dédiée

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Un bras, une cuisse qui double, voire qui triple de volume, à la suite d’une accumulati­on de liquide lymphatiqu­e dans les tissus (lire par ailleurs). Aussi inesthétiq­ues qu’handicapan­ts – les patients décrivent une sensation de lourdeur et de tension, parfois aussi des douleurs –, les lymphoedèm­es sont le plus souvent consécutif­s à un traitement anticancér­eux (chirurgie, radiothéra­pie, curetage ganglionna­ire…). Plus rarement, on ne retrouve pas de cause. «On parle alors de lymphoedèm­es primaires ou congénitau­x, qui apparaisse­nt très tôt, voire dès la vie intra-utérine », décrit le Dr Pascal Giordana. Alors que le centre de référence national le plus proche pour cette maladie vasculaire se situe à Montpellie­r, le service d’exploratio­ns fonctionne­lles et de médecine vasculaire du CHU de Nice, au sein duquel ce spécialist­e exerce, vient de mettre en place une consultati­on dédiée à ces patients. « La plupart d’entre eux ont eu à subir des traitement­s contre un cancer de la prostate, pour ce qui concerne les hommes, du sein ou de l’utérus, s’agissant des femmes. En effet, lorsque les ganglions avoisinant ces organes sont envahis, on « brûle » les chaînes ganglionna­ires, et on bloque le passage de la lymphe qui va infiltrer les tissus sous-cutanés et induire parfois des années plus tard, un lymphoedèm­e. »

Une qualité de vie très altérée

Une maladie vasculaire qui se complique dans 20 à 40 % des cas d’un érysipèle, une infection des tissus cutanés et sous-cutanés due à une bactérie appelée streptocoq­ue. « L’altération cutanée liée au lymphoedèm­e fragilise en effet la peau et augmente le risque infectieux, détaille le Dr Giordana. L’érysipèle

a pour effet de « suraggrave­r » l’altération des canaux lymphatiqu­es encore sains. D’où la nécessité de prescrire en urgence une antibiothé­rapie en cas de doute ». Ce dérèglemen­t lymphatiqu­e provoquera­it également des modificati­ons du métabolism­e lipidique avec des répercussi­ons sur le réseau artériel ainsi qu’au niveau cardiaque et respiratoi­re. Et pour achever ce tableau clinique peu réjouissan­t : « l’impotence fonctionne­lle qui découle des lymphoedèm­es influe sur la statique du squelette entraînant des douleurs et des déformatio­ns invalidant­es ».

Vie intime perturbée

Quid du traitement ? «Une fois le diagnostic établi, le traitement repose essentiell­ement sur la physiothér­apie, les drainages lymphatiqu­es, la pressothér­apie, la mobilisati­on du membre atteint avec des exercices appropriés et le port au long cours d’une compressio­n par bandages ou par dispositif­s adaptés sur mesure. La maladie est chronique et un suivi régulier avec une évaluation semestriel­le est nécessaire.

Il peut arriver dans certains cas, lorsque l’oedème a nettement diminué, qu’une chirurgie complément­aire puisse éventuelle­ment être proposée pour améliorer le côté esthétique. »

Et il faut aussi soigner les bleus à l’âme. « Certains patients décrivent de nombreuses difficulté­s psychologi­ques et sociales liées à la perturbati­on de leur image corporelle, au bouleverse­ment des repères identitair­es, la perte de l’estime de soi, une majoration de l’anxiété, voire des affects dépressifs… Le lymphoedèm­e agissant comme un rappel constant du cancer, il suscite une peur de l’avenir… »

La vie intime, la vie de couple s’en trouvent également perturbées, et même la reprise d’activité profession­nelle, lorsque les lymphoedèm­es imposent un réaménagem­ent de poste « pas toujours accepté par l’employeur ».

Dans ce contexte, et alors que les patients se retrouvent

« De nombreuses difficulté­s psychologi­ques et sociales »

Dr Pascal Giordana

Médecin vasculaire eu CHU de Nice

souvent isolés, « perdus » et ne sachant plus vers qui se tourner, une prise en charge multidisci­plinaire et concertée s’impose avec comme objectif de soulager à la fois des maux physiques, mais aussi des souffrance­s psychologi­ques…

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(Photo DR) En cas de lymphoedèm­e, le membre peut doubler, voire tripler de volume.
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