Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)
Lymphoedème : une consultation dédiée
Soins Une main tendue vers ces milliers de malades qui, suite à un traitement contre un cancer, souffrent de ce trouble vasculaire chronique. Le CHU de Nice ouvre une structure dédiée
Un bras, une cuisse qui double, voire qui triple de volume, à la suite d’une accumulation de liquide lymphatique dans les tissus (lire par ailleurs). Aussi inesthétiques qu’handicapants – les patients décrivent une sensation de lourdeur et de tension, parfois aussi des douleurs –, les lymphoedèmes sont le plus souvent consécutifs à un traitement anticancéreux (chirurgie, radiothérapie, curetage ganglionnaire…). Plus rarement, on ne retrouve pas de cause. «On parle alors de lymphoedèmes primaires ou congénitaux, qui apparaissent très tôt, voire dès la vie intra-utérine », décrit le Dr Pascal Giordana. Alors que le centre de référence national le plus proche pour cette maladie vasculaire se situe à Montpellier, le service d’explorations fonctionnelles et de médecine vasculaire du CHU de Nice, au sein duquel ce spécialiste exerce, vient de mettre en place une consultation dédiée à ces patients. « La plupart d’entre eux ont eu à subir des traitements contre un cancer de la prostate, pour ce qui concerne les hommes, du sein ou de l’utérus, s’agissant des femmes. En effet, lorsque les ganglions avoisinant ces organes sont envahis, on « brûle » les chaînes ganglionnaires, et on bloque le passage de la lymphe qui va infiltrer les tissus sous-cutanés et induire parfois des années plus tard, un lymphoedème. »
Une qualité de vie très altérée
Une maladie vasculaire qui se complique dans 20 à 40 % des cas d’un érysipèle, une infection des tissus cutanés et sous-cutanés due à une bactérie appelée streptocoque. « L’altération cutanée liée au lymphoedème fragilise en effet la peau et augmente le risque infectieux, détaille le Dr Giordana. L’érysipèle
a pour effet de « suraggraver » l’altération des canaux lymphatiques encore sains. D’où la nécessité de prescrire en urgence une antibiothérapie en cas de doute ». Ce dérèglement lymphatique provoquerait également des modifications du métabolisme lipidique avec des répercussions sur le réseau artériel ainsi qu’au niveau cardiaque et respiratoire. Et pour achever ce tableau clinique peu réjouissant : « l’impotence fonctionnelle qui découle des lymphoedèmes influe sur la statique du squelette entraînant des douleurs et des déformations invalidantes ».
Vie intime perturbée
Quid du traitement ? «Une fois le diagnostic établi, le traitement repose essentiellement sur la physiothérapie, les drainages lymphatiques, la pressothérapie, la mobilisation du membre atteint avec des exercices appropriés et le port au long cours d’une compression par bandages ou par dispositifs adaptés sur mesure. La maladie est chronique et un suivi régulier avec une évaluation semestrielle est nécessaire.
Il peut arriver dans certains cas, lorsque l’oedème a nettement diminué, qu’une chirurgie complémentaire puisse éventuellement être proposée pour améliorer le côté esthétique. »
Et il faut aussi soigner les bleus à l’âme. « Certains patients décrivent de nombreuses difficultés psychologiques et sociales liées à la perturbation de leur image corporelle, au bouleversement des repères identitaires, la perte de l’estime de soi, une majoration de l’anxiété, voire des affects dépressifs… Le lymphoedème agissant comme un rappel constant du cancer, il suscite une peur de l’avenir… »
La vie intime, la vie de couple s’en trouvent également perturbées, et même la reprise d’activité professionnelle, lorsque les lymphoedèmes imposent un réaménagement de poste « pas toujours accepté par l’employeur ».
Dans ce contexte, et alors que les patients se retrouvent
« De nombreuses difficultés psychologiques et sociales »
Dr Pascal Giordana
Médecin vasculaire eu CHU de Nice
souvent isolés, « perdus » et ne sachant plus vers qui se tourner, une prise en charge multidisciplinaire et concertée s’impose avec comme objectif de soulager à la fois des maux physiques, mais aussi des souffrances psychologiques…