Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)

Au Vrai chic parisien débarque au Lavandou

En 1972, Coluche et la future troupe du Café de la Gare, Higelin, Rufus, Miou-Miou, Dewaere, Areski... participen­t à l’unique et décoiffant­e édition du Festival sur le sable.

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Cet été 1972, ils sont un paquet à mettre le cap sur le Lavandou. Visionnair­e, le jeune maire de la cité des dauphins, le docteur Marc Leghouy, 32 ans, a du nez lorsqu’il propose au conseil municipal cette première – et malheureus­ement ultime – édition du Festival de théâtre sur le sable. Un spectacle pop d’un nouveau genre qui suscite quelques opposition­s. « Marc Leghouy voulait surtout développer un côté plus culturel et plus avant-gardiste au Lavandou. C’est Christine Davidi, la fille d’un conseiller municipal, qui l’avait conseillé, car elle était à l’époque l’attachée de presse à Paris de Coluche qui débutait », se souvient Sylvain Abonnen qui, à

25 ans, avait assidûment pris part à l’évènement en tant que bénévole.

Une affiche signée Folon

L’affiche est signée Folon. Les services municipaux sont mis à pied d’oeuvre, et le décor est vite planté.

Comme les spectateur­s étaient assis sur la plage, on a appelé ça le "Festival sur le sable". À part Jacques Higelin, il n'y avait que des inconnus ! », racontait dans nos colonnes Vincent Traini, à l’époque

«employé aux services techniques municipaux et véritable cheville ouvrière de ce festival. De sombres inconnus qui s’appellent Romain Bouteille, Miou-Miou, Patrick Dewaere, Rufus, Brigitte Fontaine, Areski, Jérôme Savary, la bande du Grand Magic Circus, Jean Querlier… et Coluche qui débarque avec sa troupe de caféthéâtr­e Au Vrai chic parisien, un an avant le Schmilblic­k.

Scènes d’anthologie !

Sa compagnie, il l’a créée en 1971, et il y est entouré d’une pépinière de talents. On y trouve aussi sa future femme, Véronique Kantor. Et c’est Reiser qui signe l’affiche de leur première pièce, Thérèse est triste. La bande va s’installer à Montparnas­se, dans les locaux du fameux Café de la Gare, avant que Coluche ne poursuive en solo. Cet été 72, il y a du soleil sur la France, et le reste n’a pas d’importance. C’est une ambiance de légèreté et de douce folie qui flotte en ce début des seventies. Pattes d’éléphant et sabots fleuris, en descendant vers le midi, les joyeux compères ont collé des affiches sur tout le trajet, entre Paris et Le Lavandou, et le système D a payé : le public, surtout des jeunes, afflue vers la petite station balnéaire. Cette rencontre explosive entre le café-théâtre et le pastis va durer cinq jours. Cinq jours à se gondoler de rire. Cinq jours de dérision et d’insolence qui marqueront les esprits mais qui chamboulen­t les commerçant­s locaux, plus habitués aux bals à l’accordéon pépères et aux courses de taureaux, qu’au théâtre parallèle. Sur le programme officiel du festival, Au Vrai chic parisien annonce la couleur : « La troupe a tenu à chanter et à danser quand même… Les sketchs sont le résultat de quatre semaines passées ensemble à manger et à boire… Les musiques sont le résultat de longues années d’études… Le résultat est la conséquenc­e d’un désordre indescript­ible… ». Mais c’est surtout une ambiance bon enfant qu’ils font souffler dans la station, avec des moments d’anthologie qui restent gravés dans la mémoire des Lavandoura­ins.

En off à La Tomate

« Les séances se passaient à la pointe du Gouron, sur une grande estrade qui avait été montée et sécurisée. Il n’y avait pas de chaises, les gens étaient pieds nus, debout ou assis sur le sable. Ce qui était vachement sympa, c’est qu’après les spectacles, ils avaient privatisé Le Flamenco, qui s’appelait alors La Tomate. Tous les passionnés s’y retrouvaie­nt. C’était un spectacle off d’improvisat­ion. Avec Rufus, etc, parfois ils présentaie­nt leurs nouveaux sketchs », Sylvain Abonnen. se souvient

Match de foot avec Coluche et Depardieu

« Un match de foot a aussi été organisé, avec Coluche et Depardieu qui ne jouait pas mais qui venait voir ses copains. Miou-Miou, qui s’était accrochée avec l’épouse d’une personnali­té locale, avait été renvoyée dans ses foyers par sa troupe. Coluche avait fait un spectacle où les femmes étaient à poil. Le percepteur était parti et beaucoup de gens étaient choqués ! Imaginez Le Lavandou il y a un demi-siècle… Mais pour nous qui avions une vingtaine d’années, voir ça dans notre village, c’était vraiment exceptionn­el ! », poursuit Sylvain. « D’autant qu’ils étaient vraiment sympathiqu­es. Coluche allait boire son café le matin en terrasse, il était comme on le voit dans les images d’archives, peut-être un peu plus déjanté ! Ils n’étaient pas encore connus et ce n’étaient pas des artistes qui avaient la grosse tête ».

Les sketchs un peu trop subversifs au goût de certains, les aubades nocturnes, les vapeurs de hakik, les joyeuses frasques de cette bande de beatniks aux cheveux longs et « l’ambiance générale franchemen­t portée à la déconnade », auraient persuadé les commerçant­s de ne pas financer de seconde édition. Dommage...

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Café théâtre et pastis, une rencontre explosive”

‘‘ Franchemen­t portés à la déconnade”

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Coluche à ses débuts
NATHALIE BRUN nbrun@nicematin.fr Coluche à ses débuts

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