Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)

Les Collines d’Aliénor, infusion de joie

À Gourdon, Julie Dell’Agnello, géographe de formation, cueille des plantes sauvages et cultivées avant de les assembler délicateme­nt en mélanges à tisanes savoureuse­s.

- AURORE HARROUIS aharrouis@nicematin.fr

Ronronnett­e s’encanaille. Entre la petite chatte sauvage recueillie tout récemment par la maisonnée et les matous résidents, l’entente n’est pas encore au beau fixe. « Pardon, on dit souvent avec ironie “faites des enfants” mais les animaux, vraiment, ce n’est pas mieux ! » Julie Dell’Agnello ne se départit pas de son sourire. Jamais. Moustique, le chien de berger mastoc au coeur tendre vient réclamer une caresse. Dans la bataille, notre infusion valse. Dommage pour le délicieux « Lueurs du jour » – une des quatre potions enchantere­sses des collines d’Aliénor – que Julie s’empresse de nous servir à nouveau. Savant mélange entre la menthe chocolat, plutôt douce, l’achillée aux notes miellées et la marjolaine. « Elle est parfaite pour les matins ensoleillé­s », assure la jeune femme.

Ça tombe bien, dehors, le panorama, splendide et dégagé, est baigné de soleil.

Le milieu rural comme terrain de recherche

On se croit au bout du monde dans ce petit coin de paradis, à Gourdon. En pleine garrigue, entourés des brebis de Jacques, le compagnon de Julie et de montagnes calcaires. Le terrain de jeu, grandeur nature, de la cueilleuse de tisanes. Son milieu d’adoption aussi. Née à Vence il y a un peu moins de trente ans, Julie Dell’Agnello a d’abord étudié la géographie, à l’université de Nice puis à Québec. « Pour un mémoire, j’ai commencé à m’intéresser à l’agricultur­e et au milieu rural. » C’est ainsi qu’elle rencontre son cher et tendre, éleveur ovin à Gourdon.

« En rentrant de Québec, j’ai travaillé à la fédération d’escalade, mon sport passion, à Nice tout en vivant ici, dans les pré-Alpes. Habiter sur une exploitati­on, c’est forcément aussi y travailler un peu. Quand on se lève le matin, on pense aux bêtes... Ce mode de vie me convenait, j’ai cherché quelque chose qui puisse s’inclure dans cette dynamique. »

La fédération l’accompagne dans son désir de changement. Son intérêt pour les plantes grandit. « J’ai appris à m’en servir comme auxiliaire­s au quotidien. Ici, le milieu est si riche que les aromates tapissent le sol. »

En 2018, Julie se lance dans l’aventure pro des plantes à parfum aromatique­s et médicinale­s. Titulaire d’un brevet profession­nel de responsabl­e d’exploitati­on agricole, elle expériment­e sur le terrain et lit énormément afin de parvenir à travailler, récolter, sécher ces plantes.

Les cuisines, les cloîtres, les tiroirs de guérisseur­s

Julie puise dans l’histoire (une autre de ses passions) pour baptiser son exploitati­on. « Les Collines d’Aliénor sont un clin d’oeil à Aliénor d’Aquitaine, reine de France puis d’Angleterre, figure forte féminine et robuste de l’époque médiévale, cette tranche de notre passé qui me passionne. Les plantes aromatique­s et médicinale­s y ont tenu une place de choix. Que ce soit dans les cuisines, les cloîtres des abbayes ou dans les tiroirs des guérisseus­es, on les retrouve partout pour conserver, cuisiner, guérir ou jeter des sorts ! »

Un copain designer, Florent Carlès, conçoit ses étiquettes et la voilà lancée. À l’huile de coude, elle ramasse les plantes, surtout entre mai et septembre. Thym, sarriette, cynorrhodo­n, sureau, ortie, ronce, achillée et mauve qu’elle cueille en sauvage, avec l’autorisati­on des propriétai­res sur les terrains privés et des collectivi­tés, sur les autres parcelles. Elle cultive menthe, camomille, mélisse, romarin, origan et agastache. Une fois ramassées, les plantes sont mises à sécher sur une étagère « faite maison », dit-elle fièrement. Julie a commandé les tasseaux à une scierie du coin. Fixé la moustiquai­re sur les cadres.

Puis, les plantes sont conservées dans des sachets en kraft, à l’abri de la lumière. Avant d’être assemblées, savamment dosées. «Jetestemes mélanges sur mon entourage », explique la cultivatri­ce.

Il y a l’élixir anisé, idéal en fin de (bon) repas avec sa menthe, son agastache et son estragon du Mexique. Le jardin d’hiver, anti blues de la froide saison composé de menthe poivrée, fleurs de sureau, hysope, mauve. Ou encore l’étoile du berger pour plonger en douceur dans les bras de Morphée avec l’agastache, les camomilles et la lavande. Des premiers crus qui risquent d’être rapidement épuisés. « C’est ma première année, celle des tests... justifie Julie. L’an prochain, il faudrait que je puisse en faire dix fois plus ! » On la quitte à regret, Julie et son environnem­ent rêvé. Elle a encore du boulot. Une grange à retaper, des armoires de stockage à créer pour offrir un bel écrin à ses futures infusions de joie.

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Ici, le milieu est si riche... ”

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Clin d’oeil au Moyen Âge où les plantes avaient une place de choix”

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