Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)

La mort de Gaspard de Besse, bandit de l’Estérel

À l’automne 1781, le « voleur séducteur », considéré comme un Robin des bois varois, est arrêté à l’âge de 24 ans et condamné au supplice de la roue.

- ANDRÉ PEYREGNE nous@nicematin.fr

C’est horrible. En ce mois de novembre 1781, on a trouvé dans notre région des têtes de mort clouées aux arbres. Une dans la forêt de Cuges, une autre dans la forêt de l’Estérel, une autre dans le bois des Taillades dans les Bouchesdu-Rhône. Ces têtes sont celles de trois bandits qui ont sévi dans l’Estérel, ont été arrêtés, condamnés et décapités : à Cuges la tête de Joseph Augias, dans l’Estérel celle de Jacques Bouilly, aux Taillades celle de leur chef, Gaspard de Besse. Elles ont été ainsi exposées pour montrer l’exemple et faire peur aux voleurs.

Les trois bandits ont été condamnés à mort et exécutés le 25 octobre 1781.

Bagnards et déserteurs

Gaspard de Besse est le plus connu. La légende a conservé de lui l’image d’un « Robin des bois de l’Estérel » – celle du bandit qui volait les riches pour donner aux pauvres. Il est né en 1757 près de Brignoles, dans le village dont il porte le nom. Sa famille est pauvre. Pour survivre, il vole. Il devient un chef de bande. Un jour, le groupe est en embuscade sur la route de Brignoles. Survient un homme : « La bourse ou la vie, crie l’un des bandits ! » Gaspard s’interpose : « Laissez-le ! » Il a reconnu un habitant de Besse qui se rend chez un médecin. Gaspard a des principes : on ne touche pas aux gens de son village, surtout s’ils sont en difficulté... Avec Joseph Augias, de La Valette, échappé des galères, et Jacques Bouilly, bandit de Vidauban, il organise un piège dans les gorges d’Ollioules. Barrant la route à l’aide de rochers, à la nuit tombée, ils contraigne­nt une diligence à s’arrêter. Deux des bandits sortent alors de l’ombre pour proposer au cocher de dégager la route. Remercieme­nts du cocher et des voyageurs ! Pendant que tout le monde s’affaire sur la route, Gaspard vole les valises sur le toit de la voiture. Les voyageurs repartent après avoir distribué des pourboires à ceux qui les avaient aidés. Ce n’est qu’à Toulon qu’ils s’apercevron­t qu’ils ont été volés. La bande de Gaspard s’agrandit. Bagnards évadés, déserteurs de l’armée se joignent à lui. Mais celui-ci est fidèle à son code d’honneur : aucune violence ni assassinat. Un jour où l’un de ses hommes coupe le doigt d’une voyageuse pour lui voler sa bague, il le tue sur place. Un autre où il rencontre une femme en pleurs à qui un huissier a saisi ses économies, il lui donne de l’argent et fait dévaliser l’huissier. Il parcourt l’Estérel. L’auberge des Adrets est un de ses repaires. Les routes de la forêt sont faciles pour attaquer les voyageurs. Au printemps de 1780, il finit par être arrêté. Il s’évadera de la prison de Draguignan. Mais, le 21 octobre, les gendarmes entourent la maison d’Augias à Cuges. Un homme saute par la fenêtre. Il est ceinturé : c’est Gaspard. Cette fois-ci, il est définitive­ment pris. Il sera jugé avec ses complices. Le 14 octobre 1781, Gaspard, Bouilly et Augias sont condamnés à être menés tête et pieds nus, en chemise, la corde au col, tenant un flambeau de cire ardent, par tous les lieux et carrefours de la ville d’Aix-en-Provence et, notamment, devant la porte principale de l’église Saint-Sauveur, pour y faire amende honorable et, ceci fait, être conduits sur l’échafaud dressé sur la place du boulevard pour y avoir les bras, les jambes, les cuisses et les reins rompus et être exposés sur une roue, la face tournée vers le ciel, pour y rester jusqu’à ce que mort s’en suive, puis être décapité.

Le 25 octobre à 11 heures du matin s’ébranle un sinistre cortège. Trois condamnés sont encadrés par un cordon de soldats.

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Un de ses hommes coupe le doigt d’une femme pour lui voler sa bague, il le tue sur place”

Les femmes lui envoient des baisers

Le beau Gaspard de Besse, âgé de 24 ans, se trouve au centre. Tout au long du parcours, les femmes lui envoient des baisers depuis les fenêtres. Il répond en souriant. Il est rasé de frais et a refusé de revêtir la tenue des condamnés. C’est sa tournée d’adieu. Vers midi Gaspard est attaché sur la roue. En ce jeudi matin ensoleillé, une foule compacte se presse autour de l’estrade.

On perçoit le bruit grinçant de la roue qui tourne et les chocs affreux du bâton du bourreau briseur de membres. La foule laisse échapper des gémissemen­ts horrifiés. Un prêtre bénit les mourants. C’en est fini du beau bandit. Il ne détrousser­a plus les voyageurs de l’Estérel. D’autres le feront à sa place…

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