Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)
Santé inclusive : encore des progrès à faire
L’association Trisomie 21 a conçu un site Internet destiné à favoriser l’accès aux soins des personnes atteintes de handicap en leur donnant des conseils... ainsi qu’aux soignants
Maja a toutes les peines du monde à trouver des médecins qui sachent prendre en charge son fils Ernesto. L’adolescent de 14 ans est « exceptionnel » dit-elle lorsqu’on lui demande de parler de son enfant. Car elle refuse de le résumer à ses difficultés, bien au contraire. Et celles-ci sont liées au trouble du spectre autistique dont il souffre. De ce fait, il ne se laisse pas examiner facilement, les consultations médicales l’angoissent. Des ados comme lui, il y en a beaucoup. Ils sont atteints de pathologies diverses mais font face aux mêmes embûches. Des mamans comme elle, il y en a autant. On parle souvent du handicap et de l’inclusion dans la société, dans le monde du travail notamment. Pourtant, il est un autre sujet – crucial – celui de la santé. Car toutes ces personnes sont aussi des patients mais qui ont du mal à être correctement suivies tant le monde médical manque de préparation.
C’est pour mieux faire comprendre ces enjeux que l’association Trisomie 21 a organisé, il y a deux jours, une table ronde sur cette thématique. « Nous animons une plateforme ressources destinée à accompagner les individus en situation de handicap et leurs proches, résume Vivien Fontaine, responsable dispositif appui ressources environnement de l’association. Nous travaillons sur cinq grands sujets dont celui de la santé inclusive. Et il n’y a pas que les personnes touchées par le handicap qui ont besoin d’accompagnement, ceux qui les entourent, les professionnels doivent aussi être épaulés. Car bien souvent les difficultés d’accès aux soins sont la conséquence de l’impréparation et la méconnaissance de cette problématique. »
Adapter le discours au patient
Le Dr Sandra Salamon Giscard rejoint cette analyse. Médecin coordinatrice de la plateforme Trisomie 21 et praticienne à Handiconsult, elle intervient également auprès des étudiants de médecine dans le cadre d’un module dédié au handicap. Elle remarque : « Les professionnels de santé nous confient souvent qu’ils ont peur de ne pas savoir comment s’adresser à un patient souffrant de handicap. Et c’est ça le problème de fond : lorsqu’on a peur, on bloque. Or il suffit parfois qu’on leur donne des clés, des outils et les choses se passent bien. Par exemple, le suivi global d’une personne souffrant de trisomie 21 est beaucoup plus simple que ce que certains médecins peuvent s’imaginer. Toutefois on ne s’adresse pas à elle comme on le ferait pour un individu lambda. Nous voulons donc les accompagner pour leur montrer comment ils peuvent adapter leurs pratiques à ces patients. » C’est ainsi que l’on rendra effective la notion de santé inclusive, c’est-à-dire la possibilité d’être pris en charge à tout moment, dans un cabinet de ville notamment.
On le comprend dès lors, la sensibilisation des soignants doit être effective et concrète. Le Pr David Darmon, directeur du département d’enseignement et de recherche en médecine générale de l’Université Nice-Côte d’Azur, est très investi sur cette problématique. « Nous travaillons sur plusieurs niveaux pour que les médecins et futurs médecins puissent prodiguer des soins centrés sur la personne, y compris si elle est en situation de handicap. Cela passe par plusieurs aspects. Sur la formation d’abord. Mais aussi sur d’autres aspects très pratiques tels que la tarification : par exemple la consultation demande beaucoup plus de temps s’agissant d’un patient présentant des difficultés de compréhension. » Médecins et associatifs ont aussi planché pendant près de deux ans pour concevoir et lancer un site internet [lire encadré]. Une façon de donner des clés pour permettre l’exercice d’une santé véritablement inclusive. Et l’inclusion doit s’entendre au sens large : la société doit laisser la place à tous, y compris et surtout à la différence.