Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)

Le banditisme marseillai­s devant la justice à Draguignan

La cour d’assises du Var examine les appels d’Ibrahim Rabih et Brice Desrayaux, condamnés à 30 ans de réclusion pour le meurtre de Karim Regaoui

- V. W.

En apnée dans l’horreur des règlements de comptes à la sauce marseillai­se : un assassinat en pleine rue sur fond de guerre des clans, un scooter géolocalis­é par une balise, des policiers en planque, une fuite à l’étranger, un projet d’évasion... Si, dans l’affaire qui va intéresser les jurés varois cette semaine à Draguignan, la mort de Karim Regaoui n’était pas réelle, ils auraient pu croire au scénario d’une série télé made in Canal +. Et pourtant, le 17 juillet 2014, à 16 h 20, Karim « Firouz » Regaoui était bien abattu de quatre balles tirées à bout portant sur la terrasse du bar L’Arrêt, dans le 14e arrondisse­ment de Marseille, devant des passants médusés. Des enfants traumatisé­s.

Une balise sur le scooter

Pour ces faits, la cour d’assises des Bouches-du-Rhône a condamné, le 21 novembre 2019, Ibrahim Rabih et Brice Desrayaux à trente ans de réclusion criminelle. Défendus par Mes Bruno Rebstock, Chehid Selmi et Gérard Baudoux, ils ont décidé d’interjeter appel.

Un troisième complice, Nabil Boughanemi, n’avait pas pu être jugé. En prison en Tunisie dans le cadre de cette affaire, il ne peut pas être extradé car possédant la nationalit­é tunisienne.

Durant toute l’enquête, le trio a nié avoir participé à l’assassinat de Karim Regaoui. Tout juste a-t-il reconnu, contraint par la force des choses et surtout les surveillan­ces des policiers, avoir récupéré à Aubagne, puis amené au domicile de la compagne de Brice Desrayaux à Berre-l’Etang, le scooter qui allait servir à se rendre sur les lieux du crime.

C’est ce scooter, volé à La Seyne-surMer un an auparavant, qui va permettre aux policiers de résoudre l’affaire en... quelques heures. Tout simplement car les enquêteurs de la brigade de répression du banditisme (BRB) avaient, dans le cadre d’une autre instructio­n, placé une balise de géolocalis­ation sur le deux-roues. Ils ont ainsi pu suivre, en temps réel, les déplacemen­ts du scooter et ceux d’un Renault Scénic l’accompagna­nt.

La BRB décide donc d’intervenir rapidement. Si Brice Desroyaux est interpellé, Ibrahim Rabih et Nabil Boughanemi parviennen­t à prendre la fuite, non sans avoir essuyé les tirs d’un fonctionna­ire de police.

Lors de la perquisiti­on à Berrel’Etang, un pistolet automatiqu­e, un revolver et un gilet pare-balles sont retrouvés. Des résidus de tirs, identiques à ceux découverts sur la victime, sont également décelés sur les vêtements de Brice Desrayaux et le scooter. En revanche, après examen des projectile­s ayant touché mortelleme­nt Karim Regaoui, les experts sont catégoriqu­es : les armes retrouvées pendant la perquisiti­on n’ont pas servi à commettre le crime.

Ibrahim Rabih est interpellé le 28 avril 2015 à Martigues, après une cavale de dix mois. Dans l’appartemen­t, les policiers découvrent des armes mais aussi des plans correspond­ant à ceux de la prison de Luynes, où est incarcéré Brice Desrayaux... Nabil Boughanemi, lui, a pris la fuite en Algérie puis en Tunisie, où il sera arrêté.

Guerre des clans

Pour relier les trois hommes entre eux, les policiers ont également étudié avec minutie les éléments de téléphonie. Un travail colossal, Brice Desrayaux possédant par exemple, à l’époque, six téléphones portables et aucun à son propre nom ! Ils ont également mis en lumière les relations entre Ibrahim Rabih, Brice Desrayaux et un certain Zakary Remadnia, qui sera assassiné le lendemain.

En représaill­es, croient-ils. Le meurtre de Karim Regaoui intervient donc, selon les enquêteurs, dans la guerre des clans rivaux marseillai­s opposant les Tir, associés aux Berrebouh, et les Remadnia.

Une guerre qui a fait plus d’une centaine de victimes depuis 2010. Et qui sera au coeur des débats à Draguignan à partir d’aujourd’hui. Mes Karim Bouguessa et Fabrice Trolliet porteront les intérêts de la partie civile.

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(Photo doc V.-M.) Les accusés avaient répondu de leurs actes une première fois en novembre , à Aix-enProvence, devant la cour d’assises des Bouches-du-Rhône.

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