Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)
À la table de l’indomptable
Sarah Hanffou a l’art de mener de front trois vies : sportive de haut niveau, avocate et présidente d’association. La Franco-Camerounaise, qui habite Toulon, ira aux JO de Tokyo. Telle une Lionne
Brillante, déterminée, engagée. Trois qualificatifs pour trois vies. Pongiste de haut niveau, avocate et présidente de Ping sans frontières (PSF, lire ci-dessous). La France de sa maman, le Cameroun de son papa. Deux pays pour un seul coeur. Lille, Toulon. Une ville pour grandir, l’autre pour s’épanouir. Suivre les traces d’une Lionne élevée sur les froides terres du Coq n’a rien d’aisé. Surtout quand le feu des passions brûle dans ses yeux. Illuminant d’une étincelle son sourire, signature du partage.
À la table de l’indomptable, tous les milieux se côtoient, toutes les nationalités se croisent. De la raquette à la robe, de la pluie de balles au tribunal, Sarah Hanffou puise sa force, cultive sa différence.
« Je sais ce que je veux »
« Je me suis toujours construite grâce à des univers variés. Cela vient aussi de mon incapacité à me focaliser sur une seule chose dans la vie, constate la Franco-Camerounaise. C’est mon identité. Ça me donne une certaine ouverture d’esprit et une compréhension peut-être différente. Après, je suis quelqu’un d’extrêmement travailleur. Je sais ce que je veux et je me donne les moyens d’y arriver. Je fonctionne par objectif, je m’en fixe un et je fonce. En étant prête à assumer derrière. »
Un mental, une détermination à toute épreuve qui l’amène à s’envoler pour la Chine dès l’âge de 12 ans en 1998 pour un stage intensif de six mois. « Je devais en faire deux. J’étais déscolarisée, en suivant les cours à distance. J’ai adoré ça et j’ai progressé. Seulement ma mère m’a dit : “Bon, c’était bien. Mais maintenant, il faut retourner à l’école (rires).” »
L’apprentissage encore et toujours pour mener de front le tennis de table et les études. Creps de Wattignies, dans le Nord, Insep, équipes de France jeunes puis seniors. Un parcours fédéral somme toute classique mais avec une appétence singulière pour le droit. « En 2007, juste avant les qualifs pour les Jeux de Pékin, j’arrête l’équipe de France. J’ai un bon niveau français dans le ping mais, sur le plan international, je vois bien que je ne serai jamais championne du monde. Je continue en Pro A tout en privilégiant mes études, confie Sarah. J’ai été bien entourée par ma famille, mes amis et mes coachs depuis que je suis jeune et c’est très important. À l’ASPTT Lille, un de mes entraîneurs, Patrice Roussen, qui était médecin, me comprenait déjà et m’encourageait en ce sens. »
Grâce notamment à PSF, elle renoue des liens à la fin des années 2000 avec le Cameroun, la fédération, une partie de sa famille. Et avec sa double nationalité, elle doit attendre trois ans avant de pouvoir devenir une Lionne rugissante sur chaque balle. En 2010, dès sa première année avec sa nouvelle sélection, elle est sacrée championne d’Afrique. Un de ses plus beaux souvenirs. L’offensive droitière se qualifie ensuite pour les JO de Londres en 2012.
« J’ai trouvé mon équilibre à Toulon »
Année où elle s’engage en tant qu’officier juriste dans l’armée de terre. Puis Sarah découvre Toulon, son « coup de coeur » ,en2015lorsdesa dernière affectation. «Je ne connaissais pas du tout et j’ai trouvé mon équilibre ici. Le cadre est magnifique, la ville reste à taille humaine avec un accueil génial. On me permet de m’entraîner au palais des sports tout en m’aiguillant vers des professionnels de santé pour terminer ma rééducation du poignet. J’ai beaucoup de chance. » D’autant que l’avocate au barreau d’Aix-en-Provence depuis 2019, spécialiste en droit public et professionnel de santé, a accepté le challenge de Fabien Guiot, un ami pongiste de près de 30 ans avec qui elle s’entraîne actuellement. Le capitaine de La Garde en N2 lui a proposé de rejoindre son club avec le projet de « faire monter une deuxième équipe en N3 ».
Si les compétitions reprennent en janvier, elle jouera avec les garçons. « Elle vient pourtant de Nîmes en pro chez les filles..., avoue Fabien. Sarah a toujours la joie de vivre et l’envie d’échanger. Et à la table, sa hargne et son mental sont incroyables. » Humble, insatiable, indomptable. Trois autres qualificatifs qui l’accompagneront jusqu’à Tokyo.