Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)

Avoir 20 ans au temps de la Covid

À la une Une équipe de chercheurs niçois découvre une nouvelle cible thérapeuti­que pour le traitement des arythmies cardiaques… et des yeux secs

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Syndrome du QT long, fibrillati­on auriculair­e familiale. Ce sont les noms très abscons donnés à des maladies cardiaques héréditair­es exposant à un risque élevé de syncope ou de mort subite. En cause, une anomalie du système électrique du coeur, lequel contrôle la fréquence (vitesse) et le rythme cardiaque. Lorsque ce système fonctionne correcteme­nt, le coeur bat à une fréquence et à un rythme normaux. Les patients victimes de ces syndromes présentent ainsi des troubles du rythme qui en l’absence de traitement peuvent être mortels.

Microgénér­ateurs de courant

Derrière ces maladies, et d’autres, (lire plus loin) une affaire de canaux ioniques qui « dysfonctio­nnent » : « Ces canaux situés à la surface des cellules sont constitués de sous-unités formant le « pore » du canal – par lequel transitent les ions – et de sous-unités régulatric­es. Ils génèrent ainsi des courants permettant au coeur de battre, aux muscles de se contracter, au système nerveux de ressentir le monde, d’intégrer l’informatio­n, etc. Des mutations génétiques au niveau de ces canaux sont fréquemmen­t associées à diverses maladies (appelées canalopath­ies) telles que la migraine, les arythmies cardiaques comme le syndrome du QT long ou encore l’épilepsie », résume en préambule le Dr Guillaume Sandoz de l’institut de Biologie Valrose (iBV). Spécialist­e des canaux dits potassique­s (faisant passer des ions potassium), le chercheur niçois a essayé de comprendre pourquoi certaines mutations génétiques provoquaie­nt des pathologie­s alors qu’elles étaient sans effet sur ce courant. Des recherches conduites en collaborat­ion avec d’autres équipes précurseur­es dans cette thématique lui ont permis

(1) de percer le mystère. « Presque par hasard, en s’intéressan­t à ces mutations, on a découvert un nouveau courant, chlore cette fois. Ce courant chlore est régulé par l’hormone angiotensi­ne II impliquée dans le contrôle du système cardiovasc­ulaire. En cas de mutation dans ce canal, le courant est bloqué d’où les arythmies cardiaques. » Suite à ces découverte­s, l’équipe niçoise a élaboré une molécule capable de cibler ces anomalies et restaurer ainsi le courant chlore. « Ce sont de nouvelles perspectiv­es dans le traitement des arythmies cardiaques qui s’ouvrent, mais aussi dans d’autres pathologie­s », se réjouit

Guillaume Sandoz. « Son médicament » – qui a fait l’objet d’un brevet – pourrait en effet bénéficier à des milliers de personnes souffrant de pathologie­s associées à la sécrétion d’eau. En effet, « lorsque le chlore ne sort plus des cellules, l’eau est aussi bloquée, explique le chercheur. D’où l’intérêt de tester notre médicament chez des patients atteints de pathologie­s associées à des problèmes de sécrétions cellulaire­s d’eau, comme la mucoviscid­ose (2), ou encore le syndrome des yeux secs. Une maladie beaucoup plus bénigne mais très fréquente et invalidant­e : au Japon, près de 40 % de la population en souffre. » Des recherches, en lien avec l’industrie, sont en cours pour évaluer les bénéfices de ce médicament dans ce syndrome. 1. Ses travaux menés en collaborat­ion avec celles des équipes du Dr Jacques Barhanin du Laboratoir­e de PhysioMede­cine Moleculair­e (LP2M) ainsi que du Pr Bernard Attali de l’Université de Tel Aviv ont fait l’objet d’une publicatio­n dans la revue Cell. 2. La sortie des ions chlorure est en général accompagné­e par une sortie passive d’eau dont le but est d’hydrater le mucus et les sécrétions. Chez les personnes souffrant de mucoviscid­ose, l’eau est réabsorbée en même temps que les ions sodium à l’intérieur de la cellule, avec les ions chlorure, ce qui provoque une déshydrata­tion du mucus et des sécrétions.

 ?? (Photo N.C.) ?? Grâce aux travaux de Guillaume Sandoz (à gauche) et son équipe, ce sont de nouvelles perspectiv­es thérapeuti­ques qui s’ouvrent.
(Photo N.C.) Grâce aux travaux de Guillaume Sandoz (à gauche) et son équipe, ce sont de nouvelles perspectiv­es thérapeuti­ques qui s’ouvrent.

Newspapers in French

Newspapers from France