Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)

Et humaniste américain

Saint-Paul-de-Vence a vu passer et s’arrêter de nombreuses personnali­tés, mais il est une figure dont on parle peu, mais qui en fut l’une des plus marquantes…

- NELLY NUSSBAUM magazine@nicematin.fr

Pour avoir passé les dixsept dernières années de sa vie à Saint-Paul-de-Vence, James Baldwin a laissé dans les mémoires de ceux qui l’ont connu, le souvenir d’un homme d’une grande générosité.

Né dans le quartier de Harlem à New York en 1924, James Baldwin porte le nom du pasteur David Baldwin que sa mère Emma Berdis Jones a épousé après avoir quitté son père biologique. La famille est très pauvre et son père adoptif le traite avec rudesse. Dès l’âge de dix ans, il sera harcelé et abusé, notamment par deux officiers de la police de New York. Des expérience­s qui plus tard vont largement l’inspirer pour l’écriture de ses livres.

Une lutte contre les discrimina­tions

Très jeune, James démontre un vrai don pour l’écriture. Malgré son aptitude remarquée par une enseignant­e, le jeune homme comprend très vite que le rêve américain n’est réservé qu’aux blancs. Aussi, passionné par les livres, il trouve refuge dans les bibliothèq­ues, apprend le français et se promet de quitter un jour son pays. Il rêve alors de la France.

Avant de se poser au creux des remparts saint-paulois, James Baldwin a connu toutes les discrimina­tions. À la fois afro-américain et homosexuel, il s’est posé très jeune en figure emblématiq­ue du mouvement des droits civiques aux côtés de Martin Luther King et Malcolm X, avant de devenir l’un des plus grands auteurs du XXe siècle.

Plus tard, avec sa plume pour seule arme, il a poursuivi son combat d’abord à Paris où il s’est installé, en 1948, et ensuite à SaintPaul-de-Vence où il va trouver un havre de paix.

Une maison pleine d’amis

En 1970, il s’installe avec son compagnon Bernard Hassell (19331976) dans un vieux mas du chemin du Pilon dont l’immense jardin planté d’oliviers, d’orangers et de lauriers constitue un lieu propice à l’inspiratio­n. Ici, ils sont rarement seuls ouvrant leur maison à tout un groupe d’amis. S’y retrouvent des nouveaux copains rencontrés au village, à Juan ou à Nice et des anciens qui n’hésitent pas à venir de Paris et même à traverser l’Atlantique. S’y côtoient des musiciens, Nina Simone, Joséphine Baker (dont la soeur habitait Nice), Miles Davis ou encore Ray Charles – pour lequel James Baldwin composa plusieurs musiques –, des plasticien­s comme César, Beauford Delaney, des acteurs habitués de Saint-Paul tels Yves Montand, Simone Signoret, des Américains, tout comme les comédiens Harry Belafonte et Sidney Poitiers ou encore Marguerite Yourcenar qui traduisit sa pièce de théâtre The Amen Corner (Le Coin des Amen).

Des années studieuses et prolifique­s

Ses années saint-pauloises sont aussi des années de travail. Ses journées se passent surtout devant sa machine à écrire où il se consacre à l’abondante correspond­ance qu’il reçoit et envoie au monde entier et travaille sur ses manuscrits. S’il s’octroie des moments de détente, il n’arrête jamais d’écrire. Des anciens Saint-Paulois racontent volontiers : « On le voyait à la terrasse du Café de la place ouà La Colombe d’Or, toujours avec un calepin et un crayon à prendre des notes. Il était toujours aimable et comme il parlait bien le français, il avait toujours un mot gentil pour chacun. »

C’est ainsi que parmi sa vingtaine d’ouvrages, de poésies, de nouvelles, de pièces de théâtre et d’essais Just Above My Head ; If Beale Street Could Talk ou encore Harlem Quartet furent écrits ou en partie écrits à Saint-Paul-de-Vence. Tout comme Little Man Little Man, livre pour enfants, illustré par Yoran Cazac, qui sortit en 1976. C’est aussi ici que James Baldwin a écrit Open Letter to My Sister, Angela Y. Davis (Lettre ouverte à ma soeur, Angela Davis ) en 1970, véritable plaidoyer contre l’intoléranc­e.

Ce Saint-Paulois d’adoption qui prônait « la liberté n’est pas quelque chose que l’on peut donner, la liberté est quelque chose que les gens prennent », s’est éteint à Saint-Paul le 1er décembre 1987 d’un cancer de l’estomac. Il repose au cimetière de Ferncliff à Hartsdale près de New York.

‘‘

Ses écrits précurseur­s abordent l’homosexual­ité mais aussi l’identité et le racisme”

 ?? (Photos Associatio­n Les Amis de James Baldwin) ?? 3 . Auteur majeur, considéré comme l’un des principaux intellectu­els américains du siècle, James Baldwin fut aussi une figure emblématiq­ue de la lutte contre la discrimina­tion et la défense des droits civiques aux États-Unis. Dans sa maison à Saint-Paul en .
. Avant d’être laissé à l’abandon et enfin rasé, le vieux mas à Saint-Paul-de-Vence où il vécut avec son compagnon pendant dix-sept ans était devenu son havre de paix.
. James Baldwin, devant sa maison de Saint-Paul-de-Vence, en mai .
(Photos Associatio­n Les Amis de James Baldwin) 3 . Auteur majeur, considéré comme l’un des principaux intellectu­els américains du siècle, James Baldwin fut aussi une figure emblématiq­ue de la lutte contre la discrimina­tion et la défense des droits civiques aux États-Unis. Dans sa maison à Saint-Paul en . . Avant d’être laissé à l’abandon et enfin rasé, le vieux mas à Saint-Paul-de-Vence où il vécut avec son compagnon pendant dix-sept ans était devenu son havre de paix. . James Baldwin, devant sa maison de Saint-Paul-de-Vence, en mai .
 ??  ?? 2
2

Newspapers in French

Newspapers from France