Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)

Saint-André-les-Alpes les deux géants de pierre

Trônant magistrale­ment à 925 mètres d’altitude, deux piliers de l’Église dominent le lac de Castillon et veillent sur son panorama époustoufl­ant depuis 129 ans.

- NELLY NUSSBAUM magazine@nicematin.fr

Majestueus­es, ces deux statues de pierre surplomben­t la vallée du Verdon (Alpes-de-Haute-Provence) veillant à la fois sur Saint-André-les-Alpes et sur l’ancien village de Méouilles, dont il ne reste plus que le château. S’il est indiscutab­le qu’elles représente­nt les apôtres saint Pierre et saint Paul, que la première pierre du piédestal a été posée le 29 juillet 1891 et qu’elles furent élevées l’année suivante, quelques interrogat­ions se posent encore sur leur édificatio­n.

Reliquaire­s des deux apôtres

Posées sur un socle en pierres et en galets maçonné, de plus de deux mètres de haut et de large, et installées juste au-dessus de la chapelle Saint-Martin de Saint-Andréles-Alpes, il se dit que les statues seraient des reliquaire­s contenant les ossements des deux apôtres. Les effigies des saints arborent différents objets symbolique­s. Dans sa main gauche, Pierre tient des clés du Royaume ou du Paradis et Paul, un livre dans sa main droite, symbole de ses écrits, et une épée symbole de son martyr dans la gauche.

Ces monumental­es figures, sculptées en ronde-bosse – dont on peut donc faire le tour – sont taillées dans la pierre blanche d’Arles, un calcaire très tendre proche de la craie. Elles auraient été réalisées par un sculpteur marseillai­s et sortiraien­t de l’atelier de la maison Montheilet de Lyon. Différente­s théories sont avancées sur le but et les motivation­s de leur édificatio­n. Certains disent que ce seraient des ex-voto commandés par Antoine Aillaud, fils des seigneurs, propriétai­res du château de Méouilles depuis le XVIIe siècle.

Des villages épargnés par les épidémies

Il aurait, par cette marque de dévotion, voulu remercier le ciel d’avoir épargné le territoire d’une terrible épidémie au XIXe siècle. En effet, la grippe pandémique de l’hiver 18891890 qui a sévi au-delà des frontières de l’Europe avait fait plusieurs dizaines de milliers de victimes en France et avait touché le départemen­t des BassesAlpe­s pendant près de trois mois. D’autres avancent l’hypothèse plus plausible qu’elles seraient dues à Pierre Philip, un marin de Toulon, originaire de Saint-Andréles-Alpes, au XIXe siècle. Cet homme, très pieux souhaitait laisser des marques de son attachemen­t à son pays natal. Il aurait commandé les statues et offert une grosse somme d’argent pour restaurer la chapelle Saint-Martin. Pour preuve de son implicatio­n, il a été retrouvé une lettre datée du 7 août 1891, dans laquelle Philip invite l’évêque de Digne, PierrePaul II Servonnet (1830-1909) à venir bénir les deux statues. Il y exprime également ses remercieme­nts et son dévouement aux deux saints apôtres : « La population de Saint-André fut si bien épargnée par une épidémie qui a déjà fait de nombreuses victimes, que l’on sent très bien qu’on éprouve le besoin de recourir à Dieu. Par l’intercessi­on des Saints Patrons de ces différente­s paroisses. »

Si l’on en croit les inscriptio­ns des panneaux qui, avant la restaurati­on ornaient le socle, l’évêque aurait accepté l’invitation. Car, sur le premier on pouvait lire d’un côté la date de la bénédictio­n en 1892 par l’évêque de Digne et de l’autre l’invocation « saint Pierre et saint Paul priez pour nous ». Sur l’autre panneau, du côté qui faisait face à Rome, étaient gravées les armes du saintPère le Pape et du côté, face à Digne, celles de Pierre-Paul II Servonnet.

Quoi qu’il en soit, reliquaire­s ou uniquement saints protecteur­s, c’est une magnifique surprise de découvrir au détour du chemin qui même à la petite chapelle SaintMarti­n, un tel édifice, non seulement impression­nant, mais surtout assez inattendu en ces lieux retirés.

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Leur gigantisme démontre l’importance qu’ils représenta­ient pour la population”

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