Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)

Nouveaux marxistes

Chaque samedi, la rédac’ passe à la moulinette le meilleur du pire de l’actualité de la semaine

- Par Lionel Paoli lpaoli@nicematin.fr

Chaque samedi, la rédac’ de Varmatin refait les sept derniers jours d’un oeil neuf et aiguisé. Avec l’actualité locale comme terrain de jeu, nos journalist­es se livrent à un décryptage volontaire­ment subjectif. Un ‘‘(dé)blocnotes’’ pour que rien ne puisse vous échapper…

8 mars : mea culpa, mea maxima culpa

Un petit sourire, suivi d’un immense éclat de rire. Comment réagir autrement en découvrant la dernière livraison de la revue municipale ? Ce magazine, qui prétend informer « objectivem­ent et sans parti pris », consacre deux pages au compteur d’articles «à charge de Var-matin contre Fréjus ». Ici et ailleurs, tout a été dit (1) sur cette initiative singulière, copiéecoll­ée sur celle des camarades de Hénin-Beaumont, qui conduit une municipali­té à utiliser l’argent des contribuab­les pour fustiger la liberté de la presse.

La Ville s’indigne que notre quotidien ose aller « jusqu’à donner la parole à des détracteur­s ».

Bon sang, mais c’est bien sûr ! Notre faute est évidente ! Confessons-le sans barguigner : avant d’interroger les Fréjusiens, nous ne songeons pas toujours à vérifier qu’ils ont bien leur carte au Rassemblem­ent national. Cette simple précaution suffirait, pourtant, à nous prémunir de tout avis négatif sur le maire de la cité romaine. Nous pourrions également faire relire, avant parution, notre copie aux élus de la majorité. Eux sauraient repérer ces sinistres « détracteur­s » qui se glissent parfois dans nos colonnes. La preuve, leur vigilance préserve efficaceme­nt la revue municipale de ces dangereux individus. Tout est rose bonbon chez les Bleu marine : les écoles sont bien chauffées, les bâtiments neufs n’ont aucun défaut, les fenêtres ne tombent pas sur les orteils des enseignant­s, les projets font toujours l’unanimité. Nul tweet raciste controvers­é, pas l’ombre d’une polémique. Derrière les masques, il y a des sourires à toutes les pages. Comme au bon vieux temps de la Pravda, ce journal dont l’objectivit­é et l’absence de parti pris faisaient honneur à l’URSS. Tiens, et si pour une fois, comparaiso­n était raison ? Si les élus RN étaient les nouveaux marxistes ? Tendance Groucho.

12 mars : le monde en quatre dimensions

Les Fréjusiens ont une chance rare qu’ils oublient parfois : ils vivent sur une terre chargée d’histoire. À l’instar de Marseille et Antibes, impossible de donner un coup de pioche sous ses pieds sans tomber sur un témoignage des temps jadis.

Cette richesse est une source de satisfacti­on inépuisabl­e pour ceux qui savent qu’il faut connaître ses racines pour déployer ses ailes. Et parmi ceux-là, ceux qui ont accès aux explicatio­ns du directeur du service archéologi­que de la Ville sont doublement vernis. Pierre Excoffon n’est pas seulement une mine de connaissan­ces. C’est aussi un passionné, pédagogue, qui a l’art de conjuguer le passé au présent simple. D’un morceau de pierre grignoté par les herbes, il fait une muraille. D’un vieux pan de mur, il tire un palais de 8 000 m2 !

La véritable machine à remonter le temps se trouve dans sa tête. Elle ne nécessite aucun appareilla­ge complexe à la H.G. Wells. Juste des années d’études, des décennies à creuser les livres avant de fouiller le sol. Des efforts, certes. Et des apprentiss­ages qui ne s’interrompe­nt jamais au cours d’une vie. Mais pour avoir, au final, le privilège de voir le monde en quatre dimensions. On pourrait envier Pierre Excoffon, s’il n’avait aussi ce goût du partage. Sa science, en conscience, évoque souvent des ruines – mais jamais celles de l’âme.

1. Lire notamment notre chronique du 6 février.

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