Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)
« L’entrepreneur compose avec l’incertitude »
Consultant à Sophia-Antipolis, André Labat estime que, Covid ou pas, il faut se lancer si le projet est innovant et crée de la valeur pour des clients. Entretien.
André Labat, 54 ans, est consultant, il a créé la société ALC2I à Sophia-Antipolis. Fort de 30 ans d’expérience dans le domaine des technologies de l’information et du management, il conseille des start-up et des PME innovantes. Il est également membre de French Tech Côte d’Azur.
Si vous aviez une entreprise à créer, vous lanceriez-vous en plein Covid ?
Chaque projet est différent, je côtoie chaque jour des entrepreneurs qui se lancent. Et en aucun cas, je ne les dissuade de le faire. Je les encourage même. J’ai moi-même créé mon entreprise il y a trente ans pendant la guerre du Golfe. L’entrepreneur, par nature, compose avec l’incertitude. C’est la théorie de l’effectuation. L’idée, c’est que l’entrepreneur doit faire un dîner avec ce qu’il trouve dans son frigo plutôt que de suivre une recette de cuisine.
Le Covid, opportunité ou handicap ?
Pour moi, ni l’un ni l’autre. C’est une caractéristique. Il faut faire avec. La Covid a créé une rupture, avec des prises de conscience pour certains, qui sont passés à l’acte et ont créé leur entreprise. L’innovateur jette un pavé dans la mare, dans un éco système. Et dans cette mare, il y a le Covid. Il doit apprendre à s’y insérer. Si, malgré le Covid, on arrive à créer de la valeur pour quelqu’un, il n’y a pas de raison de ne pas créer son entreprise.
La création d’entreprise passe nécessairement par le numérique ?
Le numérique n’est pas une nécessité. En revanche, cette crise est un booster. En quelques mois, elle a fait progresser l’adoption de solutions numériques aussi vite que durant les dix dernières années. Notamment dans l’immobilier avec les visites virtuelles, les signatures électroniques. Beaucoup d’usages ont été boostés. Un acronyme, pas très beau, résume cela : le phygital. C’est la rencontre du physique et du digital, à l’image du click and collect. La Covid a fait se rencontrer numérique et commerce physique.
Les Alpes-Maritimes et le Var sont-ils des terroirs propices à la création ? Nos deux départements ont un tissu d’accompagnement à l’innovation qui est de très haut niveau. Un bémol : on a toujours du mal à recruter des talents dans le numérique. Il faut plus d’ingénieurs en informatique. Pôle emploi coordonne beaucoup d’actions pour reconvertir des gens dans ce domaine, mais nous avons besoin d’attirer des talents de très haut niveau, de France ou de l’étranger. Ça peut être un frein pour les boîtes qui se lancent, elles ne peuvent embaucher des développeurs. Il faut plus d’écoles locales dans le numérique, même si nous sommes ravis d’avoir l’Ecole sur Nice.
Quelles sont les cartes à avoir en mains pour se lancer en plein Covid ?
Il faut être bien accompagné. Dans le Var, il y a « TVT Innovation », qui fédère beaucoup d’initiatives. Il y a aussi la French Tech dans les deux départements, un bon point d’aiguillage vers les structures d’accompagnement adaptées. Mais nous avons aussi des réseaux d’incubateurs, de pépinières, d’accélérateurs qui sont très performants.
À quelle porte frapper ? Les French Tech sont un bon point d’entrée, comme les chambres de commerce qui jouent leur rôle d’accompagnement et d’aiguillage. BPI France a également répondu présent. Quand on a un point de contact, toutes ces structures travaillent en réseau. Même si la porte qu’on pousse n’est pas la bonne il ne faut pas se décourager. Il faut insister et chercher la bonne porte à ouvrir. Pour qui veut se lancer, les structures sont là, y compris pour des étudiants.