Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)

Le pied et l’esprit marins

Militaire à la Marine nationale durant près de 40 ans, Roland Clémence n’a pas souhaité s’éloigner de la mer à sa retraite. Il est le président de la Société nationale de sauvetage en mer de l’Estérel.

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C’est pas l’homme qui prend la mer, c’est la mer qui prend l’homme’’. Lui la mer elle l’a pris alors qu’il était encore petit. Depuis, il a troqué ses rangers et son uniforme de l’armée contre une paire de Dockside et... un gilet orange neuf – et non un vieux ciré jaune, bien que Roland Clémence soit breton d’origine. L’ancien militaire est aujourd’hui président de la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM) de l’Estérel depuis 2018. À bord de sa vedette orange, le bénévole sillonne avec ses hommes les rivages du Cap Roux jusqu’à SainteMaxi­me pour secourir des navigateur­s ou nageurs en difficulté. Une fonction fidèle à son dévouement « pour les autres avant de penser à soi » et à son tempéramen­t « altruiste et partageur ». Sans jamais demeurer loin de la mer : son « élément » depuis l’enfance. Naître en 1953 dans une famille mi-bretonne et mi-normande aide à avoir le pied marin. Encore fautil en acquérir l’état d’esprit pour consacrer ensuite toute sa vie à la mer ; à ce qu’elle peut offrir de plus beau comme de pire. «Mon oncle était pêcheur à Cherbourg, je me souviens partir sur son bateau, résume l’homme à la moustache. Même si j’étais émerveillé étant enfant, la pêche est un métier difficile et trop contraigna­nt pour que je décide d’en faire mon métier. » C’est vers la Marine nationale qu’il vogue à ses 17 ans, au début des années 70.

« J’avais surtout envie de naviguer », rembobine celui qui deviendra maître-principal. Ce grade le mènera à se rendre en soutien des équipes sur divers terrains de guerre, du Liban à l’Afghanista­n en passant par le Kosovo ou Haïti. En tant que logisticie­n et réparateur sur les bâtiments de guerre maritimes, sa vie profession­nelle au coeur des combats est nécessaire­ment riche. Elle restera secrète, voire intime. « La pudeur du marin », se justifiera-t-il au moment de s’étendre sur ces décennies de services. Ajoutez-y près de quarante ans dans un corps parfois surnommé comme ‘‘La grande muette’’ et vous obtiendrez un ancien soldat préférant mettre en avant et en valeur sa nouvelle vie de retraité : « Celle au service des autres, à la SNSM. » De ses années dans La Royale, avec comme port d’attache Toulon pendant neuf ans, le principal souvenir gravé sous le pompon est la multitude de paysages à travers le monde. « Devenir contrôleur d’armes et embarquer sur un bâtiment de soutien à Tahiti m’a le plus plu. Traverser le Pacifique pour la première fois, passer de Tahiti à Saint-Pierre-et-Miquelon et des plages à la neige en moins d’une semaine, sont des choses que vous ne ferez jamais sinon. Quand je débarque à 20 ans à Madagascar, je découvre une qualité de vie que je ne connaissai­s pas et que je n’aurais pas connue si tôt sans l’armée. J’avais l’impression d’arriver au paradis. »

Sans pour autant oublier le sens premier de son engagement : servir la nation.

Même si la course à pied a rythmé son enfance jusqu’à l’âge adulte, c’est bien le sens du collectif qui a guidé sa vie. Jusqu’à aujourd’hui. « J’avais besoin de ne pas quitter la mer après ma retraite. Je m’étais déjà renseigné sur les activités de la SNSM avant mon départ de l’armée, mais il fallait être disponible et opérationn­el pour tenir les gardes. Dès que j’ai pu l’être en 2009, je me suis rapproché de la station de Fréjus-Plage. J’avais besoin de m’investir pour ne pas avoir peur de m’ennuyer. Souvent, à l’âge de la retraite on se pose la question de ce que l’on va devenir. J’avais bien mûri ma réflexion et la SNSM m’a apporté ce que je recherchai­s pour vivre ‘‘comme avant’’».

De son besoin de ne pas quitter la mer, il en tirera la foi de venir en aide aux plaisancie­rs dans le besoin une fois en mer car en difficulté. Ses qualités humaines saluées par tous, ses compétence­s techniques pour entretenir les embarcatio­ns et son implicatio­n dans le développem­ent de l’antenne locale de la SNSM feront le reste. Comme à l’armée, le Fréjusien monte en grade et devient adjoint de Christophe Perrin en 2012. Au départ de son supérieur vers le siège parisien de l’associatio­n reconnue d’utilité publique, tout naturellem­ent et par reconnaiss­ance, ses compères pensent à Roland Clémence pour prendre la tête de la structure en avril 2018. « Un honneur », dit-il encore fier. Un honneur de servir et pas n’importe comment. « Chacun, ici, se dit qu’il n’est pas là pour soi mais pour les autres. On n’a pas d’heures et surtout une même idée de la mer et du secours à autrui », poursuit le garant de ces valeurs au sein de la quarantain­e de bénévoles sous son aile.

Cet état d’esprit entretenu assure la conviviali­té. La même qui solidifie l’unité des équipages auprès de cinquante interventi­ons par an, par beau comme mauvais temps. Parfois à la finalité heureuse, parfois moins. Comme lorsque l’apnéiste recherché autour du Lion de mer a été retrouvé inanimé après un malaise lors de sa remontée. « Ça marque le reste de votre vie, confie le sauveteur. Même si on ne connaît pas la personne », poursuit-il, les yeux rougis derrière ses lunettes carrées. Pas suffisamme­nt pour noyer le dévouement de ces bénévoles au pied et au coeur marins.

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Chacun ici se dit qu’il n’est pas là pour soi mais pour les autres’’

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Textes : Alexandre PLUMEY – aplumey@nicematin.fr Photos : Clément TIBERGHIEN – ctiberghie­n@nicematin.fr

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