Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)

FOG du marigot politique à la boue des cochons

Franz-Olivier Giesbert publie « Rien qu’une bête », un thriller plein d’humour où il se glisse derrière le groin d’un cochon voué à l’abattage. Un plaidoyer pour la cause animale ? Pas si simple...

- PROPOS RECUEILLIS PAR LIONEL PAOLI lpaoli@nicematin.fr

Le regard, avec Franz-Olivier Giesbert, est toujours aussi acéré que le verbe. Même lorsque le romancier en a plein la couenne, le journalist­e garde les pieds sur terre. Le premier brode un thriller sur un cochon promis à l’abattoir ; le second décoche

(1) ses flèches sur les barons de la droite locale. Dans les deux cas, à consommer sans modération.

Comment est né ce livre ? L’idée de Rien qu’une bête m’est venue il y a une dizaine d’années : c’est l’histoire d’un homme qui, pour défendre la cause animale, choisit d’être engraissé comme un cochon et sera traité comme tel.

Je l’ai gardée dans un coin de ma tête et puis, l’an dernier, j’ai décidé de l’écrire comme un suspense. Nous sommes dans l’univers de l’horreur avec de l’humour, comme chez Stephen King. Je veux faire peur, rire et aussi réfléchir.

En , vous avez publié L’animal est une personne

– un essai. Un roman, c'est plus efficace pour défendre ses idées ?

J’ai plein d’histoires comme celle-là, qui attendent au portillon dans ma tête. Certains vont penser que c’est un roman pour la défense de la cause animale. Mais non, ce n’est qu’un roman. Je déteste la littératur­e à thèse : il n’y a rien de plus barbant ! S’il fallait définir le genre de Rien qu’une bête, je dirais que c’est un thriller. Mon maître Julien Green disait : « J’écris mes livres pour savoir ce qu’il y a dedans ».

Je suis un écrivain à l’ancienne qui écrit des histoires avec des personnage­s et les personnage­s m’emmènent là où ils veulent. Je ne maîtrise plus rien.

La preuve : Patrick, le mari vegan, est tout sauf sympathiqu­e – il est même sadique. Quant à Laura, l’engraisseu­se, c’est une manipulatr­ice machiavéli­que. Même s’il y a des scènes qui peuvent remuer, j’avoue que je me suis bien amusé en les écrivant.

Qu'aimeriez-vous que disent vos lecteurs à la dernière page ? Qu’ils ont tremblé et, malgré tout, bien rigolé. Mon objectif est toujours le même : que mes lecteurs ne s’emmerdent jamais.

En , à l'époque de la sortie de L'Abatteur, vous affirmiez ne plus manger les bêtes à poil mais consommer encore des bêtes à plumes. Vous avez évolué sur ce point ? Oui. Je ne mange plus du tout de viande. À l’époque, d’ailleurs, j’en consommais déjà rarement : parfois un peu de poulet, parce que mes enfants aimaient ça.

Le député azuréen Loïc Dombreval vient de publier un essai, Barbaries, dans lequel il distingue les animaux sauvages, ceux qui vivent en compagnie des humains et ceux destinés à l'abattoir (). Vous partagez ce point de vue ? Bien sûr. Pourquoi les animaux de compagnie sont-ils aussi bien traités, et ceux destinés à la consommati­on aussi mal ? Même si les conscience­s s’éveillent, dans les faits, la condition animale a régressé depuis trente ans. Les conditions de transport et d’abattage n’ont cessé de se dégrader.

Est-ce la fréquentat­ion des hommes qui vous a fait aimer les bêtes ? Non. Comme écrivait Lamartine :

« On n’a pas deux coeurs, un pour les animaux et un pour les humains. On a un coeur ou on n’en a pas. » J’ai été élevé à la ferme, en Normandie, sur le plateau du Roumois, par des parents bio bobos avant l’heure. À côté de chez nous, il y avait une porcherie et j’avais beaucoup d’amis cochons. Je me suis servi de cette expérience pour écrire ce roman.

Sans crainte de passer du coq à l’âne, ou plutôt de la boue au marigot, impossible de ne pas interroger l'observateu­r que vous êtes : que pensez-vous des tensions extrêmes qui agitent de nouveau la droite en Paca ? Pour les régionales, la droite est inquiète à juste titre. Ancien ministre de Sarkozy, premier-ministrabl­e éventuel en cas d’une victoire de Marine Le Pen, Thierry Mariani est sans doute le candidat le plus redoutable que pouvait trouver le Rassemblem­ent national.

Pensez-vous que la stratégie d’ouverture de Renaud Muselier est la bonne ?

S’il voulait mettre toutes les chances de son côté, le président sortant de notre région était obligé de rassembler, jusqu’aux Marcheurs. Mais pour les tractation­s entre les appareils politiques, un peu de discrétion est de rigueur.

Vous faites allusion aux annonces du Premier ministre dimanche dernier ? Oui. Quand Jean Castex a annoncé solennelle­ment depuis Paris l’accord en Paca entre LR et LREM, c’était une catastroph­e. On aurait dit « Brice de Nice fait de la politique ! »

Ou bien, pour les plus anciens :

« Les Charlots font l’alliance. »

Il n’est pas douteux que Castex a fait cette bourde sur instructio­n de Macron qui veut casser la droite. Tombant dans le piège, LR a fait sa crise de nerfs. À l’arrivée, la droite sort affaiblie de cette pantalonna­de puisque Christian Estrosi, le Grand Commandeur de la région, et Hubert Falco, le Connétable, ont démissionn­é de leur formation politique.

La gauche a-t-elle encore un rôle à jouer ?

À long terme, oui.

Mais aujourd’hui, elle est dans les choux ! Il lui faudrait un projet et un nouveau Mitterrand,  ans après, pour réunir toutes ses tendances.

‘‘

Castex a fait cette bourde sur instructio­n de Macron”

On annonce, comme une évidence, un nouveau duel Macron-Le Pen en . Pour vous, les jeux sont faits ? L’expérience m’a prouvé qu’un an avant la présidenti­elle, les pronostics sont toujours foireux. Restons prudents. Aujourd’hui, tout est encore possible.

1. Rien qu’une bête par Franz-Olivier Giesbert, roman, éditions Albin Michel, 357 pages, 19,90 euros.

2. Nos éditions du 25 avril.

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