Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)
Le Var aura-t-il son Dragon cet été ?
Le syndicat des équipages de la sécurité civile alerte le ministère de l’Intérieur sur ses conditions de travail. Le détachement du Dragon 83 sur la base militaire du Luc pourrait être compromis.
Ce sont un peu nos anges du ciel. Les « Dragons » dispersés aux quatre coins de la France. Ces hélicoptères jaune et rouge qui portent secours à la population peu importe l’heure, peu importe le terrain. Si la sécurité civile reste le fleuron du sauvetage français, le syndicat national du personnel navigant de l’aéronautique civile (SNPNAC) appelle au secours le ministre de l’Intérieur à l’approche de l’été.
■ Une situation qui se dégrade
Plusieurs crashs ont coûté cher à la sécurité civile (pic de l’Arbizon en Hautes-Pyrénées en 2003, Gavarnie en 2006, Haute-Corse 2011, Marseille 2019). Que ce soit en pertes humaines comme matérielles. « Quand les hélicoptères 145 ont été livrés, nous avions 20 bases. Entre temps, Besançon, Martinique, Guyane… ont été ajoutées. Pour un parc qui n’a pas changé, pointe le pilote sanaryen Franck Diebold, représentant du SNPNAC. Nous avons 35 hélicoptères. Mais pour que l’été se passe correctement, il en faudrait quatre de plus. »
Depuis, les appareils n’ont pas été remplacés. À cela vient s’ajouter un paramètre contraignant, les visites de routine et réparations aux délais croissants. « Le besoin est prégnant. Mais là, on arrive à une rupture capacitaire qui dépasse même les secours, insiste le pilote du Dragon 131. On ne peut pas former les nouveaux équipages. On est arrivé à une situation où à Nîmes, un équipage a été embauché mais il ne peut pas être formé… »
■ Quid du Dragon cet été ?
À l’approche d’une saison estivale qui s’annonce comme toujours animée dans le Var, l’avenir d’un détachement saisonnier traditionnellement implanté sur la base de l’aviation légère de l’Armée de Terre du LucLe Cannet pose question. L’été dernier, le Dragon 83 avait été monté de toutes pièces à base d’équipages de Cannes et de Marseille ainsi qu’un appareil en provenance de Nîmes. « Sachant qu’il manque quatre hélicoptères… on devrait ouvrir, mais avec quoi ? En changeant de machine toutes les semaines en fonction des révisions ? Je ne sais pas… Il est question de fermer Marignane pour Le Luc. Nous demandons la location de machines sur le marché civil. Louer s’anticipe, mais là il faut aller vite, les détachements ouvriront dans un mois. »
Dans une région où la vie nocturne est animée, seule la sécurité civile est en mesure d’intervenir de nuit. «Si le service vient depuis Marignane ou Cannes, il ne sera pas rendu de la même manière. »
Alors que le député varois Fabien Matras porte une proposition de loi pour la réforme de la sécurité civile, pas une ligne ne mentionne le personnel navigant.
■ Les « oubliés » du projet de loi
« On est un peu les oubliés de cette réforme, poursuit l’ancien de l’aéronavale. On se bat vraiment pour faire notre mission. La seule solution est de louer des machines, puis à moyen terme, envisager le rachat de notre flotte. Les hélicoptères les plus anciens datent de 2002 et ont passé les 3/4 de leur vie. L’hélico
fatigue plus que n’importe quel autre engin, dans un univers marin ou à 4 000 mètres d’altitude. On utilise les machines au bout de ce qu’elles peuvent. »
« Pour des raisons techniques, nous ne pouvons pas aggraver les dépenses de l’État, indique Fabien Matras. L’élu de la 8e circonscription. Mais je crois savoir que le sujet est en discussion au ministère. Je reste à leur écoute, ce n’est pas trop tard. »
Ainsi, deux Airbus Helicopters H145 D3 (la nouvelle génération de l’EC 145) ont été achetés dans le cadre du plan de relance à l’horizon 2022 mais sont accueillis comme une fausse bonne nouvelle. « Nos revendications sont “vieilles”, mais rien ne se passe. On voit d’un très mauvais oeil notre devenir. Les gendarmes font principalement des missions de police judiciaire, le Samu des transferts interhospitaliers, alors que nous intervenons en tous points, tous lieux. On n’a pas d’autre choix que de tirer la sonnette d’alarme. Nous sommes les seuls de nuit. Le Samu s’équipe, mais il faut asusi apprendre à maîtriser le matériel. Il ne suffit pas d’acheter un treuil et des jumelles à vision nocturne. » La mission de la sécurité civile et sa promesse de proposer un secours aérien à moins d’une demi-heure se retrouve mise à mal.