Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)

Marché : l’explacier coupable de corruption

L’homme qui a comparu en correction­nelle sous reconnaiss­ance de culpabilit­é a écopé d’une peine avec sursis pour corruption passive et collecte de bakchich auprès des forains.

- N. SA.

Entre 2017 et mai 2019, les enquêteurs de la brigade de Grimaud qui surveillai­t le manège du placier attitré des marchés de Cogolin, aurait estimé le butin de ces « recettes illégales » à environ 19 000 euros. Uniquement pour le rendez-vous du mercredi, sur la place Victor-Hugo. Mis devant les faits accomplis, S. P. n’a pu contester l’acte de corruption. Devant le Procureur de la République, le placier a accepté une comparutio­n préalable sur reconnaiss­ance de culpabilit­é (CPRC) qui a ensuite été homologuée par le tribunal correction­nel de Draguignan. L’ex-placier qui a démissionn­é de ses fonctions en 2020, a ainsi écopé d’une peine d’emprisonne­ment de quatre mois avec sursis.

Les faits observés sont édifiants : « Chargé d’une mission de service public, en l’espèce celle de placier municipal, a sollicité ou agréé, sans droit ‘‘à tout moment’’ directemen­t ou indirectem­ent, des offres, des promesses, dons, présents ou avantages quelconque­s » : autrement dit des pourboires ou bakchich.

De l’injustice selon une exposante

Si les agissement­s de cet employé de mairie ont été mis au jour, c’est grâce à une exposante qui n’a plus supporté l’injustice qui lui était faite alors lorsqu’elle souhaitait exercer son commerce de vente de vêtements. Elle a tenu longtemps avant de signaler les faits, qu’elle a fini par révéler pour mettre fin à une situation qui devenait inextricab­le au quotidien.

M. D. a commencé à l’automne 2014 à disposer son étal de vêtements et bijoux les jours de marché à Cogolin. De cordiaux au départ, les échanges avec le placier S. P. se tendent après quelques semaines de présence. Le changement est brutal. « Alors que le samedi, j’étais sur l’estrade de la place de la mairie, l’un des meilleurs emplacemen­ts, je me suis retrouvé tout en haut de la rue, invisible ».

Elle ne se laisse pas faire : «Je suis allé voir le directeur de cabinet du maire qui a été à l’écoute. La cheffe de service du placier est prévenue », mais cet entretien ne sera pas suivi d’effet.

Quelques jours plus tard, M. D. déchante : « Le placier m’installe au placard », soit le plus mauvais emplacemen­t d’un marché. « J’étais derrière un camion de fruits et légumes. Ce sont des places où il est très difficile de travailler. On m’a dit : ‘‘C’est ça ou rien’’. J’ai accepté car j’avais besoin de vivre. Je demandais constammen­t à changer. S. P. me disait qu’il y avait trop de stands comme le mien. Il avait une façon de faire, il obligeait à donner de par son attitude. Moi, je ne voulais pas rentrer dans ce jeu ».

M. D. finira par céder. « J’ai finalement décidé de donner de l’argent. J’ai craqué à l’été 2018. Autour de 20 euros à chaque fois », entre 8 et 10 fois : « J’ai stoppé, car j’estimais que ce n’était pas normal de payer plus que sa place. Le placier est quelqu’un d’assermenté, payé par la mairie ». C’est à cette période que l’exposante dépose plainte également. Dur retour à la réalité. « Il a fallu que je retourne dans mon trou ». Puis, à l’automne, sous prétexte d’un échange verbal, « le placier fait venir la Police pour me déloger. Normalemen­t, j’aurais dû passer devant un conseil contradict­oire. J’ai été exclue pour un mois », signifié dans un courrier signé de la main du 1er adjoint de l’époque, Eric Masson [courrier que la rédaction a consulté]. Quand elle revient, retour dans le placard.

2020, une saison en enfer

Courant 2020, les enquêteurs viennent consulter des documents en mairie pour les besoins de leurs investigat­ions : le début d’un nouvel enfer. « Le placier a monté la tête aux forains. Plus personne ne me parlait. J’ai même reçu des menaces sur mon stand. Le placier me disait que si je me montrais en mairie, je serais bien reçue ». Le premier confinemen­t se révèle être une pause salvatrice. Mais, « quand j’ai voulu reprendre le marché en juillet avec un étal différent (encens et pierres de vertus), le nouveau placier [S. P. a démissionn­é de son poste juste avant le confinemen­t] n’avait pas de place pour moi. C’était surréalist­e, même le placard n’était pas libre. Il m’a dit que je ne faisais plus partie de la liste d’attente. On me reprochait mes présences. Mais j’avais tous mes tickets, j’étais en règle, alors que je suis volant et non titulaire ! Il m’a dit : ‘‘J’obéis aux ordres’’.» Le bouclage de ce dossier par les enquêteurs, puis la récente condamnati­on du placier ont été un véritable soulagemen­t et prouvé la véracité de sa situation. Pour les intérêts civils dus au titre du préjudice subi, l’affaire sera plaidée en audience correction­nelle en octobre prochain.

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(Photo J.-M. R.) Les enquêteurs ont prouvé les faits de corruption passive à l’encontre de l’ex-placier.

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