Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)
À Marseille, le système Terra Fecundis devant la justice
Trois dirigeants de la société de travail temporaire espagnole sont jugés depuis hier pour fraude.
L «e plus gros dossier de l’Urssaf depuis sa création » : un inspecteur de l’Urssaf a présenté hier comme « exceptionnelle » la fraude qu’aurait commise l’entreprise de travail temporaire espagnole Terra Fecundis, pourvoyeuse de main-d’oeuvre pour les agriculteurs français. L’Urssaf, cet organisme de sécurité sociale qui recouvre les cotisations sociales en France, réclame 112 millions d’euros de dommages et intérêts à Terra Fecundis, jugée avec trois de ses fondateurs par le tribunal de Marseille depuis hier.
Cette société a, selon Jean-Michel Ducassou, inspecteur de l’Urssaf entendu comme témoin, détourné les règles européennes du travail détaché pour près de 7 000 salariés acheminés dans des centaines d’exploitations agricoles françaises entre 2012 et 2015.
Travail dissimulé
La procédure européenne de détachement permet à des entreprises de faire travailler du personnel dans un autre État membre sans avoir à s’inscrire au registre du commerce ni à régler les cotisations sociales du pays où le salarié est détaché. Terra Fecundis payait les cotisations sociales d’ouvriers employés en France en Espagne, pays où ces cotisations sont inférieures.
Or, « dans ce dossier, a estimé Jean-Michel Ducassou, les conditions du détachement ne sont pas remplies car Terra Fecundis avait une activité permanente en France et pas d’activité substantielle en Espagne ».
Pour les années 2012 à 2015, dans le Top 100 des sociétés clientes de Terra Fecundis, ne figuraient que des sociétés françaises à l’exception d’une exploitation espagnole.
« Lourds enjeux »
Terra Fecundis et ses trois dirigeants fondateurs sont jugés pour travail dissimulé et marchandage en bande organisée. Seul Juan Jose Lopez Pacheco, Espagnol de 45 ans, s’est présenté devant le tribunal correctionnel. Son frère Francisco Lopez Pacheco et Celedenio Perea Coll sont représentés par leurs avocats. Ce dossier « est porteur d’enjeux lourds en termes financiers, d’ordre public et de réputation », a rappelé le président. Les trois prévenus encourent dix ans d’emprisonnement et une amende de 100 000 euros et la société risque une amende de 500 000 euros.
En charge de la logistique en France, quatre autres prévenus sont jugés pour complicité de travail dissimulé et complicité de marchandage. « Un tiers des employeurs français avaient recours toute l’année » à la main-d’oeuvre fournie par Terra Fecundis, des salariés majoritairement originaires d’Amérique du Sud, a souligné le président.
Prêt de main-d’oeuvre à but lucratif
Au-delà du travail dissimulé, la société répond également de marchandage, un prêt de main-d’oeuvre à but lucratif qui aurait causé plusieurs préjudices aux salariés : rémunération en dessous du minimum légal, absence de majoration des heures supplémentaires, atteinte aux droits au chômage en Espagne par minoration des jours travaillés déclarés aux organismes espagnols… La Confédération paysanne s’est constituée partie civile à l’ouverture des débats, rejoignant la Fédération générale agroalimentaire CFDT, l’Urssaf ou Prism’Emploi, qui regroupe six cents entreprises d’intérim françaises.