Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)
Triste mascarade »
Pascal Fauret et Bruno Odos ? Au départ, je reçois une information qui concerne une infraction liée à l’aéronautique, mon domaine de compétence. Je n’ai pas d’éléments mais je suis quand même étonné : il se trouve que je connais l’un d’entre eux, et je suis assez surpris qu’il puisse avoir trempé dans une affaire de cette nature. Au fur et à mesure que des éléments commencent à être donnés, je m’aperçois que le quantum de drogue déclarée ne colle pas avec le nombre de valises. Le rapport poids/nombre de valises n’est pas cohérent : kg dans vingt-six valises ça ne tient pas. Tout est monté, tout est fictif là-bas. L’affaire a été montée de toutes pièces.
Quel regard portez-vous sur le volet français de l’affaire ?
Les interlocuteurs de SN-THS (la compagnie qui a commercialisé les vols suspects, Ndlr) étaient probablement intéressés par le fait de ramener de la drogue. Mais je pense également que SNTHS ne s’en est pas aperçu. La compagnie a signalé, à la demande des pilotes, à l’OCRTIS (l’ancien office anti-stups, Ndlr) que leur client était bizarre, mais celui-ci n’était pas connu pour être un trafiquant.
À ce moment-là, qu’est-ce que vous voulez faire ? Un refus de vente ? Une rotation transatlantique, c’est quand même euros. C’est beaucoup d’argent pour une petite compagnie aérienne. Ils ont fait leur travail et ils se sont fait avoir.
Le procès qui s’ouvre à Aix fait cohabiter deux hommes déjà condamnés dans des affaires de stups avec quatre accusés qui n’ont pas un profil de délinquants. Craignez-vous que cela les desserve ?
Bien sûr que je le crains. Un fantasme tiers-mondiste veut que tout le monde, quel que soit son milieu, soit impliqué dans les trafics. Ça existe en République dominicaine où les gens sont impliqués, à divers degrés, à tous les niveaux de l’État. Mais ici, ça n’existe pas. Ici, ce que l’on appelle les gros bonnets, ce sont toujours des voyous, pas des hommes politiques ou des chefs d’entreprise. Dans notre affaire, il y a eu une volonté de faire cette démonstration que tout le monde était impliqué, alors que les faits démontrent que les pilotes n’ont pas fait de trafic, ne se sont pas enrichis et ne sont pas devenus des voyous.
Dans votre livre, vous ne ménagez pas la juge d’instruction chargée de l’affaire…
Elle n’est pas défendable, elle n’a pas fait son métier. Elle a exercé son pouvoir dans un esprit de vengeance (...) La juge d’instruction a repris les éléments dominicains comme s’ils étaient fiables. Dans mon livre, il y a tous les éléments. Ce n’est pas une contre-enquête, ça n’est pas mon rôle, mais quand on reprend simplement les faits tels qu’ils sont, on s’aperçoit que cette affaire est une triste et pathétique mascarade.
Vous dites qu’à l’issue du procès Air Cocaïne, vous allez vous engager pour la cause des expatriés incarcérés à l’étranger. Comment les aider ? Exactement, mais je ne vais pas me substituer à la diplomatie et aux justices des autres pays. Il y a des Français qui vont commettre des saloperies à l’étranger… Mais à partir du moment où un Français se déclare innocent, la France doit très sérieusement étudier la question. Ne serait-ce que dans le cadre de la coopération judiciaire en demandant à examiner l’ensemble des pièces, et en les contestant si nécessaire (...) Il faut que l’on modifie notre spectre diplomatique. Si on l’avait fait, il n’y aurait pas d’affaire Air Cocaïne avec Pascal et Bruno. On aurait dit aux Dominicains : « Donneznous les preuves et on va faire le nécessaire. Si elles sont recevables, on extradera nos ressortissants. »
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Tout est fictif. L’affaire est montée de toutes pièces ”
Air Cocaïne, les dessous d’une mystification. Éditions Archipel. 384 pages, 21 euros.