Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)
Un ancien combattant tel une courroie de transmission
Emmanuel Laquière, un ‘‘ancien’’ de la Seconde Guerre mondiale, était l’invité du Souvenir français à Saint-Raphaël. Il a pu témoigner devant des scolaires.
Le Souvenir français de SaintRaphaël, en coopération avec celui de Vence (Alpes-Maritimes) a reçu dernièrement Emmanuel Laquière, ancien combattant de la Seconde Guerre mondiale. Des scolaires, dont des élèves de Vence, étaient invités sur l’un des lieux de mémoire raphaëlois : la nécropole de Boulouris et la plage du Débarquement du Dramont.
Sur la main droite d’Emmanuel Laquière, les traces visibles de la Seconde Guerre mondiale témoignent de son engagement. Une cicatrice qu’il tient d’un éclat d’obus reçu dans son char à Mulhouse en novembre 1944. Aujourd’hui âgé de 99 ans, il s’est battu pour libérer la France de l’Occupation allemande aux côtés du Commandant Jean de Lattre de Tassigny.
Décoré de la Légion d’honneur, il est essentiel pour lui de transmettre son histoire aux jeunes. Ancien pilote de char de la Première Armée française, il conduit aujourd’hui un autre engin. Seul au volant de sa voiture, il est venu partager son vécu auprès de trois classes d’élèves de CM2. « Il ne faut pas oublier que conduire un char, c’est fait pour tuer et être tué », rappelle-t-il avec justesse.
« Un devoir de libérer la France ! »
Ses mots résonnent. Autour de lui, ses frères d’armes reposent dans le cimetière français de Boulouris. La nécropole abrite 464 plaques aux noms de soldats venus de Métropole, d’Afrique du Nord, d’Afrique noire, de l’Océan indien ou encore du Pacifique. Autant d’hommes âgés de 16 à 24 ans qui ont laissé leur vie durant le Débarquement de Provence et la bataille de Toulon en août 1944.
L’idéal de cette jeunesse : libérer la Nation de ses occupants, quitte à y laisser sa vie. « On était là pour mourir mais c’était normal : c’était un devoir de libérer la France ! Des gamins de 17 ans qui n’avaient pas l’âge ont même triché pour s’engager », raconte-t-il, ému. Ayant connu la Première Guerre mondiale de par ses parents, c’est naturellement par patriotisme qu’il intègre dès 18 ans les camps de jeunesse paramilitaires. Puis, volontairement en 1942, il rejoint la nouvelle armée française pour la Libération. « C’est à cet âgelà que vous êtes capable de faire la guerre, pas quand on a 50 ans ! Notre pays était occupé : nous, les gens d’Afrique et des colonies, musulmans ou chrétiens, il fallait qu’on s’engage », partage-t-il humblement. Sa brillante carrière militaire, il s’en souvient encore précisément. Français originaire d’Afrique du Nord, il part d’Algérie pour prendre part, sur son char, à la Campagne d’Italie sous l’égide du Commandant Juin. Il participe à la prise de Rome avant d’embarquer pour Marseille où il fait réparer son char. D’une voix fine, il partage un épisode sanglant de cette épopée : « Un bataillon polonais a attaqué à Monte Cassino, cela représentait 1 200 soldats, vous savez combien sont revenus vivants ? Deux… ». Silence glacial. Puis des applaudissements retentissent. Après une réorganisation des troupes dans la cité phocéenne, direction l’Allemagne. Une attaque d’obus le stoppe net à Mulhouse. Étant grièvement blessé au crâne et à la main, la guerre s’arrête pour lui.
« Blessé, je n’intéressais plus l’armée. J’ai alors été démobilisé, et pensionné à 80 % ».
Son parcours du combattant continue pour autant.
Le combat de la transmission
« Je n’arrive pas à comprendre pourquoi des classes ont refusé de nous recevoir : c’est arrivé à trois reprises », regrette profondément Emmanuel Laquière. C’est ce qui anime l’ancien combattant : faire connaître son histoire et celles de ses camarades tombés pour la liberté, et transmettre aux jeunes ces valeurs civiques. Une mission partagée par le comité du Souvenir français de Saint-Raphaël. « Le but, c’est de montrer aux scolaires l’importance du drapeau et des médailles dans un but de reconnaissance, et de souvenir, toujours pour honorer la mémoire des morts pour la France et la libération de l’Europe », expose Charles Maguin, le président du comité. Mais les enfants, qu’en pensent-ils ? En arc de cercle, face au vétéran, entre timidité et admiration, ils sont frileux à l’idée de poser des questions. C’est sur la plage du Débarquement que, par petits groupes plus intimes, les interrogations fusent : « Vous aviez quel âge quand vous avez fait la guerre ? », « Vous avez été blessé à quel endroit ? » La Seconde Guerre mondiale étant entrée dans le programme de l’école primaire depuis la rentrée dernière, « les élèves doivent comprendre ce qu’est une cérémonie et en vivre au moins une dans l’année », précise Jean Sarraméa, historien-géographe.