Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)
La polémique Mélenchon
Les propos du chef de file de La France Insoumise liant terrorisme et élection présidentielle suscitent l’indignation. Lui dénonce une « odieuse manipulation ».
Après « la République, c’est moi », lancé lors d’une perquisition houleuse au siège de La France Insoumise en 2018, le candidat à l’Élysée Jean-Luc Mélenchon se retrouve de nouveau dans la tourmente, accusé d’avoir tenu dimanche des propos « indécents » voire « complotistes », à moins d’un an de la présidentielle.
« Vous verrez que dans la dernière semaine de la campagne présidentielle, nous aurons un grave incident ou un meurtre. Ça a été Merah en 2012 (auteur djihadiste des tueries de Toulouse et de Montauban, notamment dans une école juive), ça a été l’attentat la dernière semaine sur les Champs Elysées (en 2017, un jihadiste assassine le policier Xavier Jugelé). Avant on avait eu Papy Voise (Paul Voise, un retraité agressé chez lui à Orléans en avril 2002), dont plus personne n’a jamais entendu parler après. Tout ça, c’est écrit d’avance », a déclaré le chef des Insoumis dans l’émission Questions politiques (France Inter/Le Monde/Franceinfo).
« C’est à vomir »
Ces propos ont aussitôt provoqué l’indignation, dans la classe politique mais aussi auprès de proches de victimes d’attentats, tels Latifa Ibn Ziaten, dont le fils militaire a été tué par Mohammed Merah, et qui a dénoncé des propos « inadmissibles ». Plusieurs membres du gouvernement, à l’image de Marlène Schiappa, l’ont accusé de tenir « des propos complotistes » et « honteux » qui « manquent de respect aux familles de victimes » des attentats terroristes. « Cet homme a perdu la raison », a estimé Alain Jakubowicz, président de la Licra.
À gauche, la présidente des députés PS Valérie Rabault a estimé qu’une telle « démagogie » empêchait de « prétendre à la présidentielle » .La porte-parole des écologistes Eva Sas a critiqué des « propos irresponsables, pas ceux d’un homme d’État ». À droite, Michel Barnier, potentiel candidat des Républicains à la présidentielle, a fustigé des propos «indignes de la République ».
« C’est à vomir », a lancé Jean-Luc Moudenc, le maire de Toulouse où a eu lieu une partie des tueries perpétrées par Merah.
Il va porter plainte
En guise de réaction, Jean-Luc Mélenchon a pris, hier après-midi devant les caméras, comme point de départ la vidéo postée dimanche par un youtubeur d’extrême droite à succès, « Papacito », qui simule le meurtre d’un électeur insoumis - représenté par un mannequin. Drapeau tricolore en arrière-plan, l’Insoumis, le visage fermé et le verbe lent a clamé : « Je mets en garde contre le fait que cette vidéo est parue en fin de journée dimanche, alors même que commençait à s’orchestrer une odieuse manipulation de mes propos à propos des attentats qui ont eu lieu au cours des précédentes élections, et à propos desquels je veux renouveler l’expression de ma compassion pour les victimes ». Il a appelé à « faire redescendre le niveau de violence verbale et en images qui règne dorénavant, à l’initiative de groupes dont le danger n’est plus à signaler », tout en annonçant son intention de porter plainte contre le youtubeur, son avocat s’apprêtant à demander au parquet d’ouvrir une enquête.
« Il n’est pas complotiste »
Derrière lui, c’est toute La France insoumise qui semble officiellement faire bloc, comme le démontre le soutien de la députée LFI Clémentine Autain, qui sur certains épisodes du passé ne s’était pas privée d’exprimer des réserves.
« Jean-Luc Mélenchon n’est pas complotiste. Ce qu’il a voulu dire, c’est que nous n’acceptons pas l’instrumentalisation de ces faits gravissimes qui arrivent la dernière semaine d’un scrutin important », a-t-elle insisté. Mais un certain malaise était perceptible lors du passage dans la matinale de CNews de la candidate à la présidence de la région Île-de-France. « À l’évidence, certains ont été sincèrement blessés par les propos tenus », a-t-elle déclaré, évoquant un « propos ramassé » qu’il était aisé de « mal interpréter ».
Le chef des Insoumis est coutumier des controverses qu’il dit considérer à chaque fois comme la défense d’un « système » contre sa candidature. « À chaque fois, Mélenchon utilise la même technique : s’approcher d’une ligne rouge pour se rendre audible de certains électorats qui ne voteraient pas forcément pour lui », analyse sur Twitter son biographe Lilian Alemagna, journaliste à Libération.