Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)
Caussols : dans l’ombre des étoiles, le Soleil
Le plateau de Calern est le lieu de travaux plus méconnus et pourtant capitaux sur « notre » astre celui qui conditionne la vie sur Terre. Découverte d’un site exceptionnel à la veille de l’éclipse.
Pris par la magie des cieux, le nez dans les étoiles à chaque édition de la Nuit des coupoles ouvertes – qui attire sur place près de 8 000 personnes – on en oublierait presque la plus importante. La « nôtre », source de toute vie sur la planète. Perché à Caussols, dans l’arrière-pays grassois et son époustouflant décor, le plateau de Calern – l’un des piliers de l’Observatoire de la Côte d’Azur – abrite des travaux bien méconnus sur le Soleil.
Jusqu’à l’an passé et durant près d’une décennie, les scientifiques se sont ainsi penchés sur l’un de ses grands mystères : « Les variations inexpliquées de son rayon, désigne Frédéric Morand, chercheur spécialisé. Ici, on en est à la cinquième génération d’instruments chargés de sa mesure. Ces variations sont périodiques et semblent liées à un cycle de onze ans. » En relais des mesures du satellite Picard (20112015), « un copier-coller des instruments » a été installé à Calern.
Le mystère des variations de rayon
L’ensemble, baptisé Picard Sol, a continué la mission durant cinq années. Mais, manque de bol... « Comme nous ne pouvions travailler sur onze années [compte tenu des coûts, ndlr], on a commencé en 2011, au début d’un cycle, pour tenter d’observer les variations maximales ,détaille Frédéric Morand. Mais, pour la première fois en cent cinquante ans, la remontée de cycle a connu deux ans de retard. En plus, nous étions sur le cycle le plus faible depuis quatre-vingt-dix ans...» Si le mystère demeure, cette périodicité de onze ans semble liée à un autre phénomène, le prochain grand défi de Calern : les éjections de masse coronale.
Il s’agit des millions de tonnes de matière solaire, propulsées à mille kilomètres par seconde, qui peuvent, par l’extrême puissance de leur champ magnétique, avoir d’énormes impacts si elles se dirigent vers la Terre.
Anticiper la menace des orages magnétiques
Exemples récents ? En 1989, l’une d’elles a provoqué d’immenses pannes électriques au Canada ; en 2011, un satellite japonais a tout bonnement été détruit ; l’année suivante, une éruption a frôlé la Terre. L’Académie des sciences américaine a estimé les dégâts potentiels à deux mille... milliards de dollars ! « Ces orages magnétiques peuvent aussi perturber les GPS, les ondes radio, les instruments des avions...
On travaille à signaler ces éjections et, dans un second temps, les prévoir, pour prendre les mesures nécessaires...» De la pure météorologie de l’espace. « En partenariat avec le site de Meudon [Observatoire de Paris, ndlr], nous construisons un instrument qui observera les longueurs d’onde de ces éjections. »
Attendu début 2022, MeteoSpace fournira des images qui permettront de « mieux comprendre comment les éjections de masse coronales apparaissent ». Une chose est sûre : la plus grande probabilité intervient au moment de l’activité maximale du Soleil (quand son rayon est le plus « petit »). « Là, on est en début de cycle. On peut s’attendre à un pic d’ici à quatre ou cinq ans. Comme nous vivons dans une société de plus en plus dépendante de l’électronique et des ondes radio, c’est un sujet de plus en plus sensible », conclut Frédéric Morand. Alors, pour l’exemple, si un jour l’on évite le « drame » d’une coupure Internet généralisée – hantise de toute une civilisation –, on saura qui remercier...