Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)
Notre avis
Le 26 avril, Chloé Zhao remportait l’Oscar du meilleur film et de la meilleure réalisation. Un fait historique puisqu’elle est seulement la deuxième femme à recevoir ces prix prestigieux. Mérité, tant Nomadland est une oeuvre précieuse, où l’artiste chinoise poursuit son travail entamé sur Les Chansons que mes frères m’ont apprises et The
Rider. Un cinéma humain, proche des hommes et de femmes vivant en marge, dont elle écoute les récits et prend soin de les retranscrire avec bienveillance. En découle un vibrant hommage aux gens du voyage, et plus précisément à ceux qui suite aux aléas de la vie ont fait le choix de prendre la route dans des caravanes. Autre spécificité, Nomadland s’intéresse non pas à la jeunesse, mais aux sexagénaires. On sent le poids des années, la maladie qui rode, la mort qui surgit et surtout, une envie farouche de liberté. Construit sur le principe qu’il ne s’agit pas de se dire adieu, mais de simplement au revoir, avec la certitude de se croiser à nouveau au bout du chemin, la proposition allie l’aspect social tout en restant constamment tourné vers l’avenir. De son côté, Chloé Zhao filme admirablement l’Ouest américain et en compagnie de son directeur de la photographie, Joshua James Richards, insuffle un esprit Western que n’aurait pas renié John Ford. Sa capacité à passer du grand espace à la proximité des corps, des visages, des regards, est saisissante et l’interprétation, y compris des acteurs non professionnels, force le respect. Frances McDormand – qui a reçu pour sa part son troisième Oscar de la meilleure actrice après Fargo et Three Billboards, les panneaux de la vengeance – s’impose comme le relai privilégié entre cette communauté constituée de personnes solitaires mais soudées et les spectateurs. Son parcours émeut et apporte un relief supplémentaire à ce faux road-movie qui ose constamment, joue avec les codes de la narration et laisse une véritable trace après la projection. Incontournable.