Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)
« Les repères sont en train de se perdre »
Nice-Matin a demandé à Jean-Luc Mano, communicant et spécialiste de la stratégie politique, ce que représentait la gifle reçue hier par Macron et quelle portée celle-ci pouvait avoir.
La gifle reçue hier par Emmanuel Macron a heurté et indigné la classe politique, qui, d’une seule voix, a condamné cet acte. Jean-Luc Mano, spécialiste en communication, analyse la portée symbolique de ce geste.
Que représente ce geste donné à un président de la République ?
C’est par la force de l’image, un événement colossalement médiatisé dans la seconde. Si on le relativise de façon historique, ce n’est pas la première fois qu’il y a des moments violents entre un Président en déplacement et des individus. On se souvient de Nicolas Sarkozy bousculé, de l’homme qui avait tiré sur le Président Chirac… Dans un climat où l’on voit des manifestations multiples de violence dans la société, c’est significatif que les repères sont en train de se perdre. Des gens se sentent autorisés à agresser le chef de l’État. Cela accentue l’impression globale d’une société qui se radicalise, a du mal à vivre en commun et ne respecte plus les institutions.
Est-ce annonciateur d’une campagne présidentielle très dure ?
La campagne sera violente car il y aura de la violence politique. Des responsables ont perdu le sens des valeurs politiques et de la démocratie en niant parfois la vérité. Ils sont dans des attaques exacerbées où l’on est dans l’anathème, et cela encourage des gens à passer à l’acte.
Pour la première fois dans l’histoire démocratique, il est possible qu’une force d’extrême droite remporte une élection présidentielle, démocratique et légale. C’est un enjeu pour les partisans d’extrême droite et pour ceux qui, en face, ne veulent pas en arriver à cette situation, et évidemment cette possibilité tend les rapports politiques.
Mais il faut relativiser. La France a vécu des campagnes électorales où des colleurs d’affiches se battaient et où il y avait des morts, mais ces violences allaient en déclinant. Néanmoins, il y a une tradition de violence politique. C’est un pays qui a déjà pratiqué l’affrontement violent.
Cette image va très probablement faire le tour du monde, quelle portée va-t-elle avoir ?
Il y a deux images qui seront vues à travers le monde : celle de la gifle qui sera, sur le plan international, accompagnée de l’idée que définitivement ce pays va mal. Ce qui s’est passé au Capitole est une violence d’une autre nature, le problème n’est pas spécifiquement français. L’autre image sera celle d’un Président qui tient bon, qui décide de continuer d’aller au contact, d’aller voir des gens sans mobilisation policière et continue à faire son travail de Président pour affirmer que le chef de l’État est partout chez lui.
Est-ce un reflet de la société française ?
Cela dit de la société une certaine exacerbation des oppositions. Les idées deviennent secondaires et l’anathème remplace l’argument, encourageant un certain nombre de gens à des passages à l’acte qu’ils n’auraient pas osé il y a vingt ans. C’est un reflet préoccupant de ce qu’est la société mais ce sont des phénomènes nouveaux et minoritaires. Mais globalement, la société française résiste face à ces dérives.