Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)

« François Mitterrand a fait basculer ma vie ! »

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Il a dû renoncer à vivre la fin de son énième procès. Le 1er juin, le réquisitoi­re devant la Cour d’appel dans l’affaire de l’arbitrage s’est déroulé devant une chaise vide. Un nouvel assaut de ces foutus cancers qui font le siège de son extravagan­te énergie depuis 4 ans avait contraint l’ancien patron de l’OM à une nouvelle hospitalis­ation. Dix jours plus tard, alors que sa biographie signée Franz-Olivier Giesbert vient de sortir, Tapie est chez lui. Fatigué, très fatigué, mais toujours en résistance. L’humour reste son arme de prédilecti­on lorsqu’on évoque ce thriller-réalité sur sa vie : « “FOG” tenait absolument à ce que je lui raconte mon intimité. Pour moi, ce n’était pas une option. Toute ma vie, je me suis préservé de l’avidité des projecteur­s dès que ça touchait à l’intime. On m’imagine sans doute vivant ma renommée avec ostentatio­n, entouré d’une cour, obsédé par les mondanités. Ceux qui me connaissen­t vraiment savent qu’il n’en est rien. Ma vie privée a été celle de Monsieur Tout-le-monde. Ma femme, mes enfants, mes chiens et quelques amis, vrais amis. Point barre ! »

« Je suis tout sauf un voleur et un escroc ! »

Le livre n’a failli d’ailleurs jamais voir le jour à cause de ce différend avec FOG : « Tout ce qu’il raconte, il a dû se démerder pour aller le chercher ailleurs », se marre-t-il. Si, finalement, Tapie a accepté de raconter sa part de vérité à FranzOlivi­er Giesbert, c’est uniquement pour laver son honneur : «Jesuis tout ce que vous voulez, tout sauf un voleur, sauf un escroc. J’en veux à certains juges qui sont ou furent aux ordres de ces politiques, de droite comme de gauche, qui me voulaient mort. Je pense à celui de la Cour d’appel d’Aix, promu pour service rendu contre Tapie. Mais je n’en veux pas à la justice même dans ce qu’elle a de plus dur. Le juge Tournaire est un terrible, mais nos relations furent toujours celle du contradict­oire : il a fini par m’avouer qu’il me pistait dans l’unique objectif de remonter jusqu’à Sarkozy. Quand il s’est aperçu que j’étais une impasse, il n’a pas cherché à s’acharner. Ou encore, Eva Joly ! Plus terrible qu’elle, je ne sais pas si ça existe. Elle m’a collé sept mises en examen, mais, après son instructio­n scrupuleus­e, elle n’a pas hésité à me réhabilite­r en prononçant six non-lieux et une relaxe ! »

Les Ambitions de l’Élysée

En relisant sa propre biographie, Tapie avoue : c’est « Mitterrand qui a fait basculer ma vie » .Siausommet de sa gloire entreprene­uriale, Tapie décide de vendre Adidas, en confie le mandat au Crédit Lyonnais avec le malheur que l’on sait, c’est parce que François Mitterrand lui a inoculé dix ans plus tôt le virus de la politique. Pas la politicien­ne, mais celle qui se préoccupe, au sens étymologiq­ue, de la vie de la cité. Souvenir de 1986, lorsque l’hôte de l’Élysée demande à Séguéla de lui organiser une entrevue avec un presque inconnu nommé Tapie : « Le président me félicite pour ma prestation dans l’émission Vive la Crise, d’Yves Montand. Il me félicite pour la passion avec laquelle je promeus auprès des jeunes l’entreprena­riat. “De là où vous venez – du 93 ! – vous êtes un exemple”, me dit-il en substance. La suite, c’est Hervé Bourges qui me contacte. C’est l’émission Ambitions sur TF1. On est en 1986, loin de ma nomination au ministère de la Ville, mais c’est le point de bascule de ma vie. »

« Je crevais d’envie d’être maire de Marseille »

Chouchou de Mitterrand, Bernard Tapie se fait sans le savoir une cohorte d’ennemis au sein du PS, mais le virus est en lui : « On m’a prêté des ambitions présidenti­elles, c’était absurde. Je n’ai pas tué Michel Rocard, il s’en est chargé tout seul en refusant une liste d’union avec celle que je portais pour les Radicaux de gauche. En revanche, oui, je crevais d’envie de devenir maire de Marseille. »

Roi du Vélodrome déjà avec cette étoile toujours unique sur un maillot de club français, Tapie assure toujours aujourd’hui qu’il aurait dupliqué son alchimie footballis­tique à la cité phocéenne : « Pour Marseille, j’avais déjà tout prévu, notamment avec des investisse­urs d’Arabie saoudite qui étaient prêts à m’aider à relancer économique­ment cette ville sublime qui est la capitale de la Méditerran­ée ! »

Tout prévu, sauf le vent des affaires qui allait tout balayer sur son passage : « C’est sans doute mon grand regret : sentir qu’on a la capacité, le désir et l’énergie de prendre la défense des autres – pour moi c’est cela, faire de la politique – est une sensation extraordin­aire pour laquelle j’étais décidé à changer de vie à l’orée des années quatre-vingtdix ! »

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