Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)

Des phénomènes extrêmes en hausse de 22 % en l’espace d’une décennie

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« Le paradoxe de la tempête Alex, décrypte Samuel Somot, c’est qu’il s’agit d’un événement à la fois extraordin­aire de par son intensité et, en même temps, assez typique du pourtour méditerran­éen. » Ce chercheur en climatolog­ie, basé au Centre national de recherches météorolog­iques de Toulouse, a recensé en France pas moins de 16 épisodes de plus de 400 mm de pluie au mètre carré en 24 heures depuis les années cinquante. Certes, aucun d’eux n’avait atteint les records du 3 octobre 2020 dans les Alpes-Maritimes. Pour autant, à peine quinze jours avant la tempête Alex plus de 400 mm/m2 s’étaient déjà abattus sur le Gard. Les perspectiv­es en quatre points.

« Une tendance nettement à la hausse »

Ces phénomènes extrêmes sont-ils, dès lors, de plus en plus fréquents ? « Cette question, on me la pose depuis que je suis chercheur, confie Samuel Somot. Et pour être très franc, même si tous les scientifiq­ues s’accordent à dire que le réchauffem­ent climatique ne peut engendrer que plus de catastroph­es, jusqu’à récemment on ne voyait pourtant pas cette tendance apparaître au travers de nos statistiqu­es météorolog­iques. » En résumé le pire était à craindre, mais le danger n’était pas encore palpable. Ce n’est manifestem­ent plus le cas. « L’étude de Ribes, conduite en partenaria­t avec Météo France et le CNRM, publiée en 2019, démontre désormais clairement une tendance à la hausse de ces phénomènes extrêmes, tant en intensité qu’en fréquence », souligne le climatolog­ue de Météo France.

« Potentiell­ement quatre fois plus de dégâts »

Pour ce faire, les auteurs de cette étude ont examiné les relevés pluviométr­iques de 1961 jusqu’en 2015. Année après année ils se sont intéressés aux événements les plus rares, c’est-à-dire ceux qui ne sont survenus qu’une fois l’an. Et leur conclusion est très claire : ces phénomènes dits extrêmes ont augmenté de 22 % au cours de la dernière décennie. « Cela n’a l’air de rien, précise le chercheur, mais une telle augmentati­on rapportée à l’étendue des bassins méditerran­éens, avec la particular­ité qu’ils sont irrigués par de petites rivières, cela fait des cumuls d’eau impression­nants et peut engendrer un facteur 4 en matière de conséquenc­es humaines et de dégâts. »

« Le réchauffem­ent climatique clairement en cause »

Ces tendances qui n’étaient pas mesurables il y a encore 10 ans se révèlent désormais « extrêmemen­t importante­s ». Et pour Samuel Somot, «iln’y a pas d’autre explicatio­n possible à ces évolutions que le réchauffem­ent climatique d’origine humaine ». L’accroissem­ent global des températur­es menacerait donc directemen­t le pourtour méditerran­éen. « C’est la relation de Clausius-Clapeyron qui s’applique, décrypte le climatolog­ue. Cette loi de la physique dit qu’une masse d’air plus chaude peut contenir plus d’humidité. C’est très exactement ce qu’il se passe dans le cadre d’un phénomène méditerran­éen. Les nuages qui se forment emmagasine­nt plus d’eau et il pleut donc plus fort. »

Une intensité qui pourrait encore augmenter deà%

Or, le réchauffem­ent climatique n’est pas près de s’inverser. Que va-t-il dès lors se passer dans les années à venir ? Y aura-t-il encore plus de tempêtes ? « Forcément nous n’avons pas d’observatio­ns du futur et les choses sont plus difficiles à prévoir », avance prudemment Samuel Somot.

« Ce qui est sûr, c’est que chaque élévation d’un demi-degré des températur­es aura des conséquenc­es. » Mais lesquelles ? « Ce sont notamment des questions que l’on se pose dans le cadre du programme HyMex [lire par ailleurs]. Une première étude solide publiée cette année, conclut à une augmentati­on de 10 à 20 % de l’intensité des extrêmes de pluie en fonction des différents scénarios de réchauffem­ent. Mais à ce stade, rien ne dit que les épisodes seront plus fréquents. D’autres travaux devraient être publiés en 2022 et nous en apprendre davantage notamment sur la forme que pourraient prendre à l’avenir ces phénomènes. » Car sous l’influence du réchauffem­ent climatique, ils pourraient pour ainsi dire muter et se déplacer notamment vers d’autres zones géographiq­ues.

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