Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)
Comment les vallées sinistrées veulent se relever
Comment rebondir ? Comment revivre ? Comment reconstruire, en mieux ? Un an après Alex, de la Roya à la Vésubie, les initiatives fleurissent. À l’image de la remise en eau du lac de Breil.
Devant sa maison, Jeanine Filippini bêche la terre de ses pantes. Elle y avait renoncé depuis la tempête Alex. «Ça me donne envie de jardiner. De repartir. »
«Ça» , c’est la remise en eau du lac de Breil-sur-Roya, sous ses fenêtres. Depuis une semaine, les Breillois ont retrouvé leur emblème émeraude. Un coup de boost pour Jeanine, 67 ans. Un remontant pour nombre d’habitants.
« Quand j’ai vu l’eau, j’ai eu les larmes aux yeux »
Durant un an, cette retraitée n’a vu que le lit asséché de la Roya, défiguré et semé de pierres. « Quand on voit ça, on devient triste, on n’a pas le moral. » Il y a quelques jours, Jeanine est revenue à Breil après une courte absence. « Quand j’ai vu l’eau, j’ai eu les larmes aux yeux. Ça fait plaisir. On revit – on ne peut pas dire à quel point on revit ! La couleur a un peu changé, car il a plu. Mais ce n’est pas un problème. Ça a bien avancé. » Après un an d’urgences, de galères, de détresse, le beau fait son retour dans la vallée. À l’instar des actions de refleurissement menées six mois plus tôt. Cela pourrait sembler futile, quand des centaines de sinistrés attendent d’être fixés sur leur sort. Il n’en est rien.
« Ça redevient très, très joli. C’est le retour de la vie. De la vie d’avant », sourient JeanLouis Rey, 65 ans, et Véronique Lahbibi, 60 ans, sur le pont Charabot flambant neuf. Véronique travaillait près du lac, le soir de la tempête. Elle nous montre sur son téléphone portable les images de vagues monstrueuses, rappelle que la place Biancheri voisine était couverte de boue « jusqu’à hauteur des branches ». Alors oui, du beau, du vert, « les gens ont besoin de ça ».
«Ilnefautpas baisser les bras »
« Enfin de belles photos du lac ! » Marie-Laure Crivelli, 55 ans, dit son soulagement à la vue de notre photographe. De belles photos, cette Breilloise n’en manque pas.
C’est ici, sur les berges, qu’elle a posé pour son mariage, en 2018. Cette eau qui revient, « c’est magnifique ». Pourtant, Marie-Laure « n’arrive pas à le visualiser ». Pas encore. Elle persiste à voir un lac asséché, « un amas de pierres et de bois enchevêtré ». Comme d’autres ne voyaient plus qu’une promenade des Anglais endeuillée, après l’attentat du 14 juillet 2016 à Nice.
À l’heure du premier anniversaire d’Alex, le traumatisme reste profond dans la Roya. Mais ce lac ressuscité, avec ses canards, ses reflets de cimes majestueuses et son jet d’eau désormais, est l’un de ces signes positifs qui dessinent un avenir, en attendant les cygnes d’antan.
« Bon pour le moral »
« C’est un mauvais passage. Mais énormément de choses ont été réalisées », saluent Michel, 76 ans, et Thérèse, 82 ans. Ces retraités se sont souvent sentis oubliés, à Fontan, village convalescent. Reste que Thérèse a connu la guerre, jadis. Alors non, « il ne faut pas baisser les bras ! »
Sur la place du marché comme sur les réseaux sociaux, le lac irrigue les conversations. « Beaucoup de gens en parlent. C’est important pour eux que l’eau revienne », constate Léa Basso, 27 ans, bénévole à Emmaüs Roya. Roberto Viale, commerçant de 60 ans venu de Vintimille, confirme : « C’est bon pour le moral. » Bon pour le tourisme, aussi. « Les touristes sont essentiels pour la survie des trois vallées. Il faut que ça redevienne comme avant, en mieux ! »
Plus haut, à la gare de Breil, un autre signe positif. Le Buffet de la gare a rouvert le 1er juin. Encore un « lieu de vie », entre bonne chère et concerts. Nadège Pastorelli a relancé le Buffet, tout en rouvrant la supérette de Tende. De quoi ramener « un peu de fraîcheur, de nouveauté, de dynamisme. Ça redonne de l’optimisme. » L’entrepreneuse breilloise tempère néanmoins : «On ne peut pas se satisfaire tant que des gens sont dans la difficulté. Pour eux, la bataille ne fait que commencer. »