Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)
Avignon : LREM divisé sur la stratégie anti-Zemmour
Le combattre de front, le railler sans le nommer, se concentrer sur soi ? Les marcheurs, réunis dans le Vaucluse, réfléchissent au meilleur moyen de contrer le polémiste en vue de la présidentielle.
Dans un vaste exercice de style, c’était 50 nuances d’anti-Zemmour, hier midi à la tribune de l’université de rentrée de La République en marche à Avignon, devant environ 4 000 personnes. Signe que celui qui n’est pas officiellement candidat occupe bien les esprits de la macronie, et que celle-ci cherche la bonne fréquence pour lui répondre. Offensif, le patron des députés LREM Christophe Castaner a tapé à bras raccourcis sur le polémiste, crédité de sondages à deux chiffres qui le font parfois tutoyer l’étiage de la dirigeante du Rassemblement national Marine Le Pen. Éric Zemmour est « en délire permanent », a ainsi fustigé l’ancien ministre de l’Intérieur, « fier d’annoncer un grand remplacement », « fier de piétiner l’héritage de notre pays », « fier d’étaler les salissures dans lesquelles il se complaît ».
« Peste brune »
« L’outrance n’est que l’art des pleutres. Quelle honte il fait au débat et à la France », a encore tempêté Christophe Castaner, estimant qu’Éric Zemmour était « plus lepéniste que les Le Pen ». Lui aussi virulent, le ministre de la Santé Olivier Véran a étrillé cet « aventurier du repli, du rejet, du racisme, qui cite des grands auteurs comme d’autres font de la prose, mais qui surtout, donne des boutons aux historiens sérieux ».
« Non, monsieur Zemmour, il ne suffit pas de citer Talleyrand toutes les trois phrases pour faire de vous un homme d’État », a raillé Olivier Véran. « Moi j’appartiens à une génération qui scandait la jeunesse emmerde le Front national ,qui criait touche pas à mon pote, et je ne peux pas me résoudre à voir qu’une part importante de la jeunesse s’abstienne ou se laisse tenter par des idées xénophobes », a-t-il insisté. Sans nommer Éric Zemmour et alertant contre « l’arrivée de la peste brune », le délégué général adjoint de LREM JeanMarc Borello a, lui, métaphorisé sur ce « virus nouveau » qui représenterait «15%du corps électoral » et qui «setraduit par des désordres mentaux, un peu de machisme, un peu d’homophobie ».
De son côté, le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal, dans un message enregistré, s’est fait plus évasif en appelant les marcheurs à « ne jamais laisser personne s’arroger le monopole de la radicalité ». « Parce que la vraie radicalité c’est la nôtre (...) pas celle des postures pour la bulle médiatique », a-t-il lancé, refusant la vision d’un « pays rabougri ».
« Ouvrez les yeux ! »
Face à la montée du phénomène, et à l’incertitude quant à sa durabilité, « on est partagé sur la stratégie à adopter », explique un poids lourd du gouvernement. « Manifestement, il y en a qui souhaitent commencer à taper sur lui. Moins pour une question de stratégie que pour dire aux gens : ouvrez les yeux ! » Mais « c’est une erreur de parler de Zemmour aujourd’hui » ,regrette un autre ténor. «Sion n’en parle pas, on n’en fait pas la pub », ajoute-t-il, estimant que MM. Castaner et Véran avaient eu « des réflexes de meetings socialistes ».
« Quand on est empêtré dans la riposte, c’est le meilleur moyen de ne pas faire passer nos idées », affirme une marcheuse historique, appelant, comme le député Roland Lescure à «ne pas boxer mais creuser son sillon, et à avancer ». « Se livrer à un concours de punching-ball ne sert à rien », a abondé le ministre de l’Économie Bruno Le Maire, comparant la « bulle Zemmour » à une « cloque de lac volcanique » vouée à éclater.