Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)

L’Europe à la hussarde

- PHILIPPE CAMPS

À Marseille, le soleil tape fort. Les joueurs s’appellent Papin, Pelé, Cantona, Amoros, Roche, Tigana, Mozer, Francescol­i, Olmeta, Boli, Waddle, Boksic, Barthez, Di Meco, Deschamps, Desailly, Voller. Tapie s’occupe de tout. Il veut Maradona. Le rate. Il téléphone jour et nuit aux entraîneur­s. Pousse Gili sur le banc, va chercher Beckenbaue­r, pour gagner en prestige, mais le remplace très vite par Goethals. Les coachs doivent faire avec ce président omnipotent. Mieux vaut avoir les nerfs solides. Tapie met son nez dans les feuilles de match. Il fait l’équipe et défait les réputation­s. Se mêle de tactique. Donne des consignes aux joueurs. Intervient pendant les causeries. « Tapie dans un vestiaire, c’était quelque chose...», se souvient Eric Di Meco.

Au fil du temps, Tapie est devenu un vrai Méditerran­éen. Il parle fort. Avec les mains. Il exagère. Mais lui va encore plus loin. Il s’arrange avec les vérités. La France ne lui suffit plus. Il veut prendre l’Europe. A la hussarde. Devant tout le monde. Après la célèbre main de Vata qui entraîne l’éliminatio­n de l’OM en demi-finale à Lisbonne (1990), il lâche : « J’ai compris. Ça ne nous arrivera plus ! ». Le boss apprend vite. L’année suivante son OM joue et perd - aux tirs au but, c’est-à-dire à la loterie - une finale de Ligue des champions contre l’Etoile Rouge de Belgrade à Bari. Qu’importe, l’OM deviendra le premier club français champion d’Europe, au soir du 26 mai 1993 à Munich, après avoir battu le grand Milan AC (1-0). «On gagne grâce à mes deux trouvaille­s : je mets Pelé sur Maldini pour l’empêcher de monter et je fatigue Baresi avec des ballons en profondeur­s. Sans oublier Boli à qui j’interdis de sortir après un coup à la 40e. Il marque à la 44e... » Du grand Tapie. Le sacre, c’est lui. Mais la coupe aux grandes oreilles ne cachera pas longtemps la désolation. L’affaire VA-OM va broyer le club et son président. Elle va aussi dénoncer la méthode Tapie : gagner à tout prix. Une méthode qui lui coûtera très cher : 165 jours de prison.

«C’est l’un des jours les plus tristes de ma vie. » Bernard Tapie, après sa démission du poste de président de l’OM en décembre . Il reviendra (sans succès...) lors de la saison - sous la présidence de Robert Louis-Dreyfus.

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(Photo Reuters)
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Gaston Defferre, Bernard Tapie, Michel Hidalgo.

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