Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)

Il manque déjà à Marseille

Bien que né à Paris, Bernard Tapie avait su se faire aimer des Marseillai­s. Le titre de champion d’Europe n’explique pas tout. Reportage dimanche matin dans la cité phocéenne.

- P.-L. PAGÈS plpages@varmatin.com

L’OM, l’Olympique de Marseille, seul club français à avoir gagné la Ligue des champions, n’aura pas attendu longtemps pour rendre hommage à l’homme par qui le miracle est arrivé un soir de mai 1993. Ainsi dimanche, en fin de matinée, moins de deux heures à peine après l’annonce du décès de Bernard Tapie, deux employés du club phocéen s’affairaien­t à afficher à l’entrée du stade Vélodrome un portrait noir et blanc du mythique président du club de football phocéen. Devant les caméras de télévision. Et sous le regard des premiers supporters.

Parmi eux, Mathieu Boutros. Survêtemen­t de l’OM impeccable, le jeune homme réalise une petite vidéo avec son smartphone. « RIP Bernard », lâche-t-il, avant d’accepter de répondre aux médias. Âgé de 37 ans, Mathieu était jeune lors du titre européen, mais il se souvient de l’épopée victorieus­e de la bande à Basile Boli. « Mon oncle, issu du centre de formation de l’OM, est sur la photo de la saison 1992-1993. Il m’emmenait à La Commanderi­e. Alors pour moi, grâce à Bernard Tapie, on sera à jamais les premiers ! ».

« Triste » avant tout en ce jour de deuil, Mathieu Boutros se dit également « énervé, dégoûté ». Et d’expliquer son sentiment : « Bernard Tapie est mort aujourd’hui, mais en réalité certains l’avaient tué bien avant. Depuis les affaires du match Valencienn­es-OM et du Crédit Lyonnais. Pour moi, il reste un exemple de combativit­é. Que ce soit dans les affaires ou contre la maladie ».

« Un personnage attachant »

Jean-Paul n’est pas Marseillai­s, mais grand fan de l’OM. « Je me suis passionné pour le club phocéen avec l’arrivée de Bernard Tapie en 1986. Ce Monsieur en a fait un grand club », confie ce Palois de 48 ans. Alors pour sa découverte du stade Vélodrome, il aurait préféré d’autres circonstan­ces que la mort d’un homme qu’il admirait bien au-delà du dirigeant de football. « J’adorais le personnage, clivant certes, mais sans langue de bois. Outre le titre européen de 1993, c’est sans doute ce que les Marseillai­s ont également aimé chez cet homme né… à Paris. Les grandes gueules sont plutôt rares de nos jours. À ce sujet, son franc-parler face à JeanMarie Le Pen reste aussi un moment fort. Bernard Tapie n’a peut-être pas fait que des choses bien, mais il reste un personnage attachant. Et même si on le savait gravement malade, l’annonce de sa mort a été un choc pour moi. L’évoquer là, devant le stade Vélodrome, j’en ai des frissons », témoigne encore Jean-Paul d’une voix chevrotant­e.

Pour Thomas, « abonné aux Ultras du Virage Sud depuis 25 ans », l’OM c’est un peu la famille. « J’y ai rencontré ma femme Stéphanie et j’espère que mon fils Mathis sera un futur fan ». Alors autant dire qu’il ressent « une terrible tristesse » depuis l’annonce de la disparitio­n de Bernard Tapie. Une mauvaise nouvelle « qui s’ajoute à la mort de Clément, un supporter récemment décédé dans un accident de la route, et à celle de l’emblématiq­ue

René Malleville emporté en trois mois par un cancer ». Mais du «boss» , comme il l’appelle, qui vint chez lui dans le quartier de la Belle de Mai lors de la campagne des législativ­es en 1993, Thomas veut garder « l’image d’un combattant, d’un guerrier ». Que ce soit dans le sport, le business, les affaires judiciaire­s et, plus récemment, la maladie, « Bernard Tapie a toujours envoyé un message positif », déclare le trentenair­e Marseillai­s qui ne ratera pas l’hommage que les fans de l’OM rendront à Bernard Tapie lors du match contre Lorient le 17 octobre prochain.

Face-à-face magique avec Le Pen !

« Le courage, l’abnégation, la combativit­é », c’est aussi ce que retient Kamel, «un footballeu­r du dimanche » rencontré sur les plages du Prado. « Je signerais pour avoir la même vie trépidante qu’a connue Bernard Tapie », ajoute-t-il. Pour François, l’un de ses camarades de football, « c’est la fin d’une époque. Le ballon, tel qu’on l’a connu à Marseille avec le titre européen de 1993, c’est fini. Je l’aimais bien ce type. Sa disparitio­n me touche ».

Sans renier ce que Tapie a apporté au football marseillai­s – « J’étais gamin lors de l’épopée européenne. Maintenant, la Ligue des champions, on la vit par procuratio­n, quand le PSG perd », lâche-t-il –, Farid préfère mettre en avant l’homme politique. « Courageux. Authentiqu­e » .Ilaencore en mémoire la phrase lancée au visage de JeanMarie Le Pen lors d’un débat télévisé. « Cette réplique : ce n’est pas parce que vous avez une grande gueule et que vous affirmez fort quelque chose que ce que vous dites est vrai ! Vous dites n’importe quoi ! C’était magique ! ». Et cet enfant de Marseille de raconter un souvenir sans doute plus personnel. « Bernard Tapie a fait beaucoup de choses pour les jeunes à Marseille. C’est une personne du peuple qui a voulu rendre au peuple ». Le mot de la fin à Bouazza, « le gaucher » de la bande d’amis amoureux de football : « Bernard Tapie repose enfin en paix ».

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(Photos Laurent Martinat) Hier matin, peu de temps après l’annonce du décès de Bernard Tapie, un portrait de l’ancien président de l’OM est affiché devant le stade Vélodrome.

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