Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)

« Toujours dans la bataille, jamais dans la plainte »

Le journalist­e Franz-Olivier Giesbert, ami de l’homme d’affaires et ancien directeur de la rédaction de « La Provence », lui avait consacré un livre en juin. Il raconte le Tapie intime et malade.

- FRANCK LECLERC

I «l avait toujours dit qu’il voulait s’en aller dès lors qu’il ne pourrait plus se lever » ,témoigne son ami et confident Franz-Olivier Giesbert. Longtemps directeur éditorial du journal La Provence, à Marseille, dont Bernard Tapie avait pris le contrôle. « Il souffrait énormément, ces derniers temps. Je ne l’avais d’ailleurs pas revu depuis l’été, je sentais qu’il ne voulait pas que je vienne. Je crois qu’à ce stade de la maladie, il ne souhaitait avoir que sa famille auprès de lui. »

Bernard Tapie l’avait clairement indiqué, il voulait pouvoir disposer du choix de son départ. FOG ignore s’il a pu le faire. « Le problème, c’est que son coeur tenait, même quand tout le reste avait lâché. » Après tant d’alertes, un moment de sidération, hier matin : « C’est moi qu’on appelait régulièrem­ent quand la rumeur courait. Lorsque sa mort avait été annoncée par un journal en ligne, le matin même, j’avais eu cinq ou six coups de fil de confrères auprès desquels je pouvais témoigner de ce que Tapie était en forme, même malade, puisque je l’avais veille. » encore eu

Cette fois, c’est vrai

la

Cette nécrologie prématurée avait évidemment irrité l’homme d’affaires. Au dernier degré. Mais ce dernier avait aussi réussi à s’en amuser. « Il trouvait ça honteux, que des raisons techniques aient conduit à une telle erreur, mais n’y croyait pas, disant que ces gens étaient sans foi ni loi et qu’on aurait pu au moins l’appeler, avant de publier ça. » L’appeler avant d’annoncer sa disparitio­n ? « Oui, il était en colère, mais ça l’avait surtout fait rire, après… »

« Je m’étais fait à l’idée qu’il serait toujours là, pour moi, c’était un peu la résurrecti­on permanente, il repartait de plus belle », poursuit Giesbert. Qui l’avait trouvé « dans un état terrible en 2019 » ,et tout d’un coup c’était fini, « on retrouvait le guerrier, un incroyable guerrier ». Jusqu’à tout récemment puisque « c’était pareil ces derniers temps, encore la rumeur, mais je ne l’avais pas eu au téléphone depuis une semaine ».

« Une belle vie »

Giesbert lui avait consacré un livre en juin 2021, Leçons de vie, de mort et d’amour, d’ailleurs sans recevoir un grand soutien de la part de l’intéressé, c’est le moins que l’on puisse dire. Il s’était attaché à essayer de faire le tour du personnage, sous un angle plus intime. «Je me souviens de l’avoir vu au fond du trou, notamment après des décisions judiciaire­s, il pleurait beaucoup, c’est quelqu’un qui avait des émotions fortes, tout le temps, et Tapie finissait par me dire : “J’ai quand même eu une belle vie, hein ?” C’était son leitmotiv, quand tout allait mal. Et dans cette belle vie, je crois qu’il y mettait même les années de prison. Cette phrase le résumait. On pouvait l’imaginer dans sa cellule, à se dire : “Oui, j’ai eu une belle vie !” Tapie était toujours dans la bataille. Jamais dans la plainte. »

« Ses engueulade­s vont me manquer »

Ce qui pèsera le plus à Franz-Olivier Giesbert ? « Ne plus entendre ses engueulade­s ! Je crois que

Tapie m’aimait beaucoup, mais il m’engueulait énormément. Quand il m’avait vu à la télé, il me disait que j’avais été lamentable. “Mais qu’est-ce que t’es mauvais !” Et le lendemain, pour rattraper le coup, il me disait : “Je t’aime”. De toute façon, les crises avec lui n’étaient jamais graves. Il criait, mais moi aussi, je lui répondais, il pouvait être insupporta­ble. Vous imaginez, le livre ? Le deal, c’était qu’il le relise avant la parution. Mais qu’est-ce qu’il m’a pourri ! Pour quatre pages, quelque chose de monstrueux ! C’était horrible, ça n’arrêtait pas. De la persécutio­n téléphoniq­ue. Et après : “Je t’aime, mon bébé !” Et il était sincère ! Toujours des émotions fortes, dans un sens comme dans l’autre. »

Ce livre, Tapie aurait fini par renoncer à s’y plonger. En ces termes : « J’ai arrêté de le lire, ça me fait vomir. » Excessif en tout. « Sympa… Mais c’était comme ça en permanence. Tout est passionné. Tout est passionnel. » Difficile, pour FOG, d’en parler au passé. Va-t-il lui manquer ? Un cri du coeur : «Ah ouais ! Énormément. »

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(Photo doc C. D.) « Pour moi c’était de la résurrecti­on permanente », témoigne Franz-Olivier Giesbert, dont l’annonce l’a plongé dans un état de sidération

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