Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)

L’avenir en D du laboratoir­e de conservati­on-restaurati­on

Le laboratoir­e de conservati­on, restaurati­on et recherches de Draguignan développe de nouvelles techniques de fouille virtuelle, afin d’optimiser l’analyse du patrimoine archéologi­que.

- CARINE BEKKACHE cbekkache@nicematin.fr

Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin. » Bien connu, cet adage trouve plus que jamais son sens au sein du laboratoir­e de conservati­on, restaurati­on et recherches de Draguignan. Désireux de repousser toujours plus ses limites, et d’élargir ses compétence­s, la structure vient en effet de se lancer un nouveau défi : parvenir à fouiller virtuellem­ent des objets complexes, à l’aide notamment de la reconstitu­tion 3D et d’un logiciel spécialeme­nt conçu à cette fin.

Une démarche innovante pour le laboratoir­e, dont Françoise Mielcarek, conservatr­ice-restauratr­ice des métaux et matériaux composites, est à l’origine.

« Le projet de départ, que nous avons lancé il y a quelques mois, comporte deux volets, explique Françoise. Le premier consiste à réaliser un scan d’un objet archéologi­que complexe – en l’occurrence un amas métallique provenant de fouilles d’un site gallo-romain SaintZacha­rie – grâce au matériel médical de radiograph­ie disponible à la polycliniq­ue Notre-Dame, avec laquelle nous avons un partenaria­t. »

« Analyser les objets sous toutes les coutures »

Sur son écran d’ordinateur, Françoise désigne l’amas métallique en question, reconstitu­é virtuellem­ent, et poursuit : « Tous les objets qui entrent au laboratoir­e sont radiograph­iés, mais en 2D. C’est-àdire à plat, ce qui permet une analyse en surface uniquement. Ici, il s’agit d’une tomographi­e 3D, qui nous permet d’analyser l’objet sous toutes les coutures, d’aller davantage en profondeur et éventuelle­ment de l’imprimer en 3D. Nous l’avons déjà pratiqué par le passé sur des objets simples, la technique n’est pas novatrice », ajoute Françoise.

Ce qui l’est, en revanche, c’est la suite de la démarche. Autrement dit : la mise au point d’un logiciel permettant de segmenter l’objet pour extraire les différents artefacts qui le composent.

Mise au point confiée à Alix Eymar, programmeu­se 3D, qui vient de décrocher son Master 2 Géométrie et informatiq­ue graphique à la faculté des sciences de Luminy, à Marseille.

Un procédé gagnantgag­nant pour tous

« En partenaria­t avec l’équipe GMOD (modélisati­on géométriqu­e), affiliée au laboratoir­e d’informatiq­ue et systèmes d’Aix-Marseille Université, nous avons lancé un appel aux étudiants désireux de prendre part à la conception de cet outil informatiq­ue », précise Françoise. Et la candidatur­e d’Alix est sortie du lot.

Passionnée dans son domaine, mais totalement novice en conservati­on-restaurati­on, la jeune femme a créé, de A à Z et en à peine deux mois, un logiciel capable de segmenter virtuellem­ent un objet archéologi­que complexe.

« Cet outil permet, à partir de la reconstitu­tion 3D, un premier tri virtuel. Dans ce cas précis, l’amas métallique renferme douze objets. Avec cette méthode, nous avons pu récolter le maximum d’informatio­ns sur eux : dimension, épaisseur, état de conservati­on, etc. Cela permettra aux archéologu­es d’identifier plus rapidement les objets prioritair­es à faire traiter, et de mieux planifier les opérations de stabilisat­ion et de restaurati­on en fonction des budgets alloués. Si ces derniers sont insuffisan­ts, la démarche aura eu le mérite d’apporter de précieuses informatio­ns aux spécialist­es, qu’ils pourront retranscri­re dans leur rapport de fouilles. »

Un procédé « gagnant-gagnant pour tous » que Françoise Mielcarek espère pérenniser dans le temps.

Le rêve d’un laboratoir­e high-tech

« Pour le moment, le logiciel d’Alix est opérationn­el mais n’est pas un produit fini. Nous tenterons de nouveaux essais, avant de nous l’approprier au laboratoir­e. »

La conservatr­ice revenant sur ses motivation­s : « J’ai toujours voulu associer les nouvelles technologi­es au domaine de la conservati­on-restaurati­on, confie-t-elle. Elles ne remplacero­nt jamais l’humain, mais sont complément­aires et représente­nt l’avenir de notre profession. Elles nous permettent d’aller plus loin, d’entrer en contact avec d’autres profession­nels, de s’enrichir mutuelleme­nt, mais aussi de valoriser nos métiers en offrant aux jeunes la possibilit­é de travailler dans le patrimoine. À chaque fois que je le dis, cela fait rire, conclut Françoise, mais je rêve d’un laboratoir­e hightech inter et multidisci­plinaire, un peu comme dans la série Bones !» Et Françoise le sait : du rêve à la réalité, il n’y a qu’un pas… que la spécialist­e espère franchir au plus tôt !

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(Photos Ca. B.) Françoise Mielcarek et Alix Eymar travaillen­t main dans la main pour concrétise­r, sur le long terme, ce nouveau défi technique.

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