Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)
Nice : un couple accusé d’avoir acheté un bébé
Une mère en Picardie a touché environ 15 000 euros pour porter l’enfant destiné à un couple stérile de Nice. Une maternité de Grasse a alerté la justice. Des poursuites judiciaires sont en cours.
Elle est enseignante, atteinte d’une grave maladie qui l’empêche de pouvoir être enceinte. Isabelle a cru pouvoir trouver une solution à son infertilité en échangeant, via Internet, avec une mère de famille de Picardie. Cette dernière, par ailleurs mère de deux enfants, lui propose de porter son enfant à naître. Une première rencontre des deux couples dans un bar à Hirson dans le département de l’Aisne aurait permis de sceller le marché moyennant 15 000 euros environ. Angélina accepte de porter
(1) neuf mois un enfant qu’elle remettra au couple azuréen. Comment cacher cette grossesse pour autrui (GPA), autorisée en Amérique du Nord mais interdite en France par les lois de bioéthiques ?
À huit mois et demi de grossesse, Angélina traverse la France et se présente dans une maternité de Grasse sous l’identité d’Isabelle. L’établissement de santé s’aperçoit aussitôt que le nom de la femme enceinte et le groupe sanguin ne correspondent pas. Angélina avoue alors s’être présentée sous l’identité de la femme de son amant dont elle est enceinte.
Un petit garçon né en 2017
De retour dans l’Aisne, Angélina est suivie par une autre maternité où elle explique cette fois vouloir accoucher sous X. Son prétendu amant a reconnu sa paternité par anticipation et l’épouse soidisant trompée aurait accepté d’élever cet enfant. Le personnel soupçonne une gestation pour autrui et alerte le procureur de la République. Une information judiciaire est ouverte et un juge d’instruction de Laon se saisit du dossier. Entretemps, un petit garçon est né en 2017 à Hirson. Il ne sera confié ni à ses parents biologiques ni au couple acheteur de Nice mais à une famille d’accueil rémunérée par le conseil départemental de l’Aisne, désigné comme administrateur ad hoc.
Les investigations confirment les doutes du personnel soignant quant aux intentions d’Angélina lorsqu’elle elle était enceinte. La police découvre surtout que cette femme a déjà vendu pour 20 000 euros un précédent bébé à un couple de l’Est de la France. Couple qui élève une fillette aujourd’hui âgée de 5 ans et qui devra lui aussi répondre de ses actes devant la justice.
Le juge d’instruction vient de décider de renvoyer Angélina et son compagnon en correctionnelle pour « dissimulation ayant entraîné une atteinte à l’état civil d’un enfant » et tentative de dissimulation.
Le couple de Nice, tout comme celui de Moselle, est poursuivi pour « simulation ayant entraîné une atteinte à l’état civil d’un enfant » et « provocation à l’abandon d’enfant ». Le procès devrait se dérouler en septembre. Une expertise ADN montre qu’Angélina n’avait pas utilisé l’échantillon de sperme du mari d’Isabelle acheteur mais qu’elle avait conçu l’enfant avec son compagnon. Me Valérie Bothy-Lanfranchi, avocate du couple niçois, évoque « un dossier doublement catastrophique pour mes clients et pour cet enfant placé ». « Isabelle a une espérance de vie trop courte pour accéder aux voies légales de l’adoption. Je considère qu’elle a été escroquée par cette mère porteuse qui l’a démarchée alors qu’elle était en détresse », indique Me Bothy-Lanfranchi.
1. Les prénoms ont été modifiés.