Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)
Reconstituer l’histoire
Jean-Paul Armitano a participé à une cinquantaine de bravades. Il défile avec la 36e division du Texas au Dramont et, passionné par sa ville, s’implique dans l’association Octavia Forum Julii.
Né à Fréjus, Jean-Paul Armitano est profondément attaché à sa commune. Avec pour vue de son balcon la Porte d’orée (photo ci-contre), située au nord-ouest de l’ancien port antique, il habite une vieille maison bien particulière, la seule qui est accolée au vestige de la grande salle froide de thermes romain (frigidarium), classé monument historique dès 1886.
L’arche a été bâtie en opus vittatum mixtum, un appareillage mixte, superposition de brique et de pierre. La porte d’orée est datée grâce à sa connexion avec un égoût bien défini de la seconde moitié du IIe siècle de notre ère, évacuant l’eau de la piscine froide (natatio). Entre cette arche, témoignage de l’existence de ces thermes et sa passion pour l’histoire, Jean-Paul Armitano s’est engagé avec enthousiasme dans l’association Octavia Forum Julii.
« Je suis membre de l’association de la 36e division du Texas au Dramont et j’ai demandé à un ami d’enfance, Rodolphe Herms, s’il voulait se joindre à nous. Il m’a répondu “d’accord, si tu participes à l’association dont je suis président, Leg VIII Octavia Forum Julii”. Et c’est comme cela que je suis devenu l’adjoint du centurion, l’optio, un grade de l’armée romaine qui fait avancer les légionnaires », raconte JeanPaul Armitano.
En démonstration tout l’été lors des visites de l’office de tourisme
« C’est très sérieux. Même si c’est un plaisir et qu’il y a une ambiance conviviale, on ne fait pas n’importe quoi, poursuit-il. Nos reconstitutions collent au maximum à ce qui se pratiquait pour être à la hauteur de ce que mérite notre ville. »
Car l’association collabore avec l’office de tourisme de Fréjus. Ce dernier verse une subvention pour l’achat des costumes et, en contrepartie, les bénévoles de Leg VIII Octavia Forum Julii réalisent les animations lors des visites guidées destinées au grand public. Des rendez-vous qui ont remporté un grand succès, tout l’été et lors des manifestations importantes de l’année, comme les Journées du patrimoine.
« On a monté un camp dans les arènes et fait des ateliers pour les jeunes. C’est vraiment agréable de voir les enfants émerveillés… et les parents aussi, confie ce père de trois enfants. On a une quinzaine de costumes. Tout d’abord les caligae, des sandales lacées, faites
de lanières de cuir, portées par les soldats romains qui remontent sur la cheville. Sur la tunique, on pose une cotte de mailles ou une armure, la lorica segmentata, cuirasse articulée composée de bandes de fer horizontales fixées ensemble par des courroies de cuir et enveloppant le torse, ainsi que des plaques de protection sous la nuque et la gorge, et des bandes sur les épaules. On y met une ceinture (cingulum), l’épée (gladius), le “javelot (pilum), le bouclier (scutum)
et le casque (galea). Ce n’est pas compliqué mais c’est très lourd, on a une vingtaine de kilos sur le dos. » « Nous restituons les batailles et il faut de l’entraînement. On se réunit régulièrement pour s’exercer à manier le glaive. Ce sont de vraies armes et le cuir casse souvent, il faut tout réparer, précise ce passionné. Nous avons appris tous les ordres en latin comme le contra-equites (on se met à genoux en se protégeant du bouclier contre la cavalerie) ou parare ad testudinem (préparez-vous à former la tortue). Ça plaît beaucoup. Tout l’été, chaque semaine, nous suivons la visite guidée de l’office de tourisme. Au théâtre romain et aux arènes, nous reconstitutions des combats. J’aime montrer au public la façon de faire les manoeuvres d’attaque et de défense, le maniement des armes. »
Les amateurs sont les bienvenus pour rejoindre les rangs des légionnaires de Leg VIII Octavia Forum Julii : « Mais pas pour prendre les choses à la légère, il faut être disponible l’été pour s’impliquer. »
D’optio à soldat de l’US
Avec la 36e division du Texas au Dramont, Jean-Paul Armitano se change en soldat américain avec rangers, Colt 45 et mitraillette Thompson et défile à chaque
15 août à bord de la Jeep de son père, qui collectionne également une Traction Citroën d’époque. Pour la reconstitution, l’ambiance, le groupe d’amis et pour le devoir de mémoire.
Jean-Paul Armitano rend hommage aux héros morts pour la France, mais aussi à Saint-François-de-Paule, chaque troisième dimanche après Pâques. Il enfile son costume de Turco et prend part aux processions qui rythment la ville au son des coups de tromblons tonitruants, des fifres et tambours.
À 54 ans, JeanPaul Armitano a une cinquantaine de bravades à son actif (il n’a loupé que celles de ses deux premières années et du service militaire). « La bravade coule dans nos veines pour honorer le sauveur de Fréjus, Saint-François-dePaule, contre l’épidémie de peste noire qui décimait la population, dans la ferveur et le partage. Cortèges, danses, processions et messes rassemblent quatre jours durant toutes les générations. L’engagement est indéfectible. Ce n’est pas un carnaval, c’est un hommage et des responsabilités. C’est un honneur, pas un amusement. Durant l’année, on prépare la bravade, on fait 16 000 cartouches de poudre noire. On veut tous maintenir en vie cette tradition provençale », confie celui qui a été hussard, marin, commandant des turcos et aujourd’hui premier colonel.
« J’aime aider. C’est dans ma nature, si je n’aide pas, je ne suis pas bien, explique-t-il après avoir été 35 ans pompier volontaire. C’est une vocation, ça ne s’improvise pas. Avec les pompiers, il faut être speed, s’habituer à vivre à 100 à l’heure. Alors, en s’organisant, on arrive à concilier le travail, les gardes de pompier volontaire, et les activités aux associations. »
Il faut être sérieux et disponible. Ce n’est pas un carnaval, mais un honneur.”