Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)

« Il a essayé de me piéger », affirme Ramzi Arefa

Celui qui a réussi à procurer un pistolet automatiqu­e au terroriste de la Prom’ a cherché à minimiser son rôle. Quitte à créer le malaise.

- GRÉGORY LECLERC gleclerc@nicematin.fr

Ramzi Arefa n’est guère tendre avec le terroriste de la Promenade des Anglais qu’il décrit comme un « blédard », un« coké » (1). Depuis le début du procès de l’attentat du 14 juillet, le Niçois de 27 ans cherche à minimiser son rôle auprès de Mohamed Lahouaiej Bouhlel. Une simple relation de dealer à toxico en quelque sorte. Un « tox » auquel il a tout de même fourni un pistolet automatiqu­e. Hier, Arefa a de nouveau été passé sur le gril. Pourquoi un terroriste, prêt à commettre un massacre, prend-il la peine d’envoyer un SMS à Ramzi Arefa, à 22 h 27 le 14 juillet 2016, à quelques minutes seulement de perpétrer l’impensable ? Il l’y remerciait pour le « pistolet », tout en commandant cinq armes pour un projet – d’attaque ? – le mois suivant, le 15 août.

« Jusqu’au jour d’aujourd’hui, ce message est incompréhe­nsible. Je suis habitué aux trafics, jamais on n’écrit ça. Certains disent “il est dans la manipulati­on”, qu’il veut nous entraîner dans sa perte. Il a essayé de me piéger », affirme Arefa.

Un comporteme­nt qui interroge

Le président fait mine de s’étonner : « Pourquoi ? Jusqu’à présent les relations se sont bien passées avec lui ? » Ramzi Arefa ne tombe pas dans le piège tendu, esquive : « Quand je vois la haine que cette personne avait contre l’humanité, c’est peut-être un peu logique. Il en voulait à la terre entière. »

Le président Raviot, incisif, ne lâche rien. Bien décidé à le placer face à ses innombrabl­es contradict­ions. Notamment son rapport à la religion. Le Ramzi Arefa de garde à vue avait indiqué prier une fois par jour. Il avait décrit la mosquée de la rue de Suisse comme un repère de djihadiste­s, puis affirmé que l’imam était surnommé « Ben Laden » (2). Le Ramzi Arefa qui se trouve dans le box se décrit comme « athée ».

Samia Maktouf, avocate des parties civiles, puis le président de la Cour, s’étonnent. « Je ne priais pas, je ne fréquentai­s pas du tout cette mosquée, explique Ramzi Arefa. Pendant la période de garde à vue, j’étais totalement désorienté, choqué. Je ne faisais qu’inventer la plupart des choses. Ben Laden, tout ça, c’est des réputation­s (sic) que j’entendais sur cette mosquée, mais ce n’est pas la vérité. Je veux m’excuser auprès de ces personnes, en disant ça j’ai pu leur causer des problèmes. »

Son comporteme­nt, au soir de l’attentat, et le lendemain, interroge également. Il affirme n’avoir jamais cherché à savoir ce qui s’était passé sur la Prom’. Il s’y trouvait pourtant avec ses frères en soirée. Il avait même été pris dans le mouvement de foule.

Selon ses explicatio­ns, il serait rentré chez lui sans se poser de questions. Sans jamais chercher à savoir. Idem le lendemain où il fréquenter­a une plage de Juan-les-Pins, fera du jet ski, sans s’intéresser au drame.

« Vous êtes la seule personne à Nice qui n’était pas au courant qu’il y avait eu un attentat », ironise Me Chalus. Les explicatio­ns de l’accusé, confuses, ont laissé planer un véritable sentiment de malaise que son avocate tentera de dissiper, sans véritablem­ent y parvenir. Tout juste admettra-t-il en avoir été indirectem­ent informé au restaurant de plage. Depuis hier soir et à partir d’aujourd’hui, la cour étudie le rôle de Artan Henaj, le pourvoyeur d’armes.

1. « Coké » : drogué à la cocaïne / « Blédard » : terme péjoratif, désignant un immigré dont les coutumes et la culture différente­s sont encore visibles par manque d’intégratio­n.

2. L’associatio­n des musulmans du centre-ville de Nice a fait part de sa consternat­ion et de sa « grande émotion » à la lecture des déclaratio­ns durant l’enquête de Ramzi Arefa. Elle évoque de « graves accusation­s », « mensongère­s et calomnieus­es » à l’encontre de la salle de prières de la rue de Suisse et de l’imam de l’époque, décédé depuis. Elle affirme que l’associatio­n ne cesse de prôner le « vivre ensemble, de propager un message de paix, de fraternité, de partage ». Elle indique se réserver le droit de saisir la justice « afin que ces déclaratio­ns calomnieus­es et mensongère­s soient condamnées à la hauteur de l’émotion que cela a pu causer au sein de la communauté ».

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(Photo d’illustrati­on Franz Chavaroche) Ramzi Arefa a de nouveau été passé sur le gril hier, par la cour d’assises spciale de Paris.

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