Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)
Assises à Nice : « Ce n’est pas moi, c’est ma psychose »
Jérémy Weishaus, 37 ans, n’était pas en mesure de comparaître mardi matin, au deuxième jour de procès pour meurtre aggravé. Il n’avait pas pris son traitement. Une fois cet oubli réparé, le procès a pu débuter avec une 1 h 30 de retard. Diagnostiqué schizophrène alors qu’il était étudiant, les experts s’accordent pour retenir chez lui « une altération du discernement » au moment où il étrangle Aurélie Merlin, 39 ans, le soir du 4 octobre 2020.
« Qu’est-ce qui justifie votre acte ? », lui demande la présidente Catherine Bonnici. «Jen’arrivepasà mettre de mots dessus, je n’arrive pas à faire mon deuil, je suis perdu. [...] C’est pas moi, c’est ma psychose. C’était plus fort que moi, je la serrais, je la serrais. Elle m’a dit je t’aime puis elle est retombée dans l’inconscience. »
La magistrate insiste : « Vous évoquez de manière constante ce qui vous pousse à passer à l’acte : les insultes, le sentiment qu’elle vous trompe et cette rupture imminente alors qu’elle vous rabaisse. » Méthodique après son crime, Jérémy Weishaus décroche l’un de ses tableaux pour écrire la justification de son crime à l’adresse de ses parents : « Je vous ai vengé, je lui ai coupé la parole. » Il prend ensuite une douche puis appelle les gendarmes.
« Personnalité mortifère »
Me Samuel Mazza, qui débute la série de plaidoiries, porte la voix de la mère de la victime. L’avocat
grassois reconnaît que « la famille de l’accusé a fait front commun. Elle a su toucher son auditoire par ses pleurs, sa tristesse. Moi, je représente une famille désunie, celle d’Aurélie. »
Me Mazza pense qu’il a été trop question de la bipolarité de la victime. « Aurélie ne doit pas être considérée
comme un élément toxique à éliminer pour que M. Weishaus aille mieux », prévient l’avocat grassois qui égratigne « la bonhomie apparente de l’accusé, son air d’être dépassé par les événements alors que les experts ont mis en évidence une personnalité complexe, mortifère. » « Rien ne justifiait qu’Aurélie finisse dans un p... de cercueil, pas même la maladie », s’emporte Me Morgane Goacolou-Borel, l’autre conseil des parties civiles, qui plaide au nom du père d’Aurélie.
« Pas un délire, un féminicide »
L’avocate générale Stéphanie Pradel requiert vingt ans de réclusion criminelle et dix ans de suivi socio-judiciaire. La magistrate se range à l’avis des psychiatres et retient l’altération du discernement de l’accusé au moment du crime. En revanche, elle dénonce « un fonctionnement d’emprise de Jérémy Weishaus sur ses compagnes ». « Sa pathologie a masqué certains mécanismes de violences conjugales, analyse la magistrate. On est loin d’une bouffée délirante. C’est un féminicide. »
Me Lea Charamnac, pour la défense, estime au contraire que son client «ne se cache pas derrière sa maladie ». L’avocate niçoise reste persuadée que le traitement de Jérémy Weishaus était alors inadapté, « patient négligé par l’institution médicale ». « Face à un homme tombé dans les profondeurs de l’abîme, dans les tourments de la maladie, l’on se doit d’obtenir une décision équitable dictée par le droit et non par les sentiments. » Après trois heures de délibéré, la cour d’assises a condamné l’accusé à seize ans de réclusion criminelle et dix ans de suivi socio-judiciaire. Me Charamnac estime avoir été entendue par la cour et les jurés.