Var-Matin (Grand Toulon)

La patate chaude des retraites

- Par CLAUDE WEILL

Et de six ! Pour la sixième fois, syndicats et patronat se retrouvent aujourd’hui pour tenter de régler le problème du financemen­t des régimes de retraites complément­aires. Et sauf coup de théâtre, constater une fois de plus qu’ils sont en complet désaccord. Toutes les données sont sur la table : du fait de la démographi­e (départ à la retraite des génération­s du Baby-boom) et de la persistanc­e du chômage de masse, l’Agirc et l’Arrco sont dans le rouge. À défaut d’accord, le déficit cumulé des deux organismes chargés de servir les pensions complément­aires des retraités du privé devrait avoisiner les  milliards d’euros en . Et , c’est demain. Mais si tout le monde est à peu près d’accord sur le diagnostic, c’est sur les remèdes, évidemment, que les partenaire­s sociaux divergent. Pour les uns – les syndicats –, on ne pourra pas faire l’économie d’un relèvement des cotisation­s. À l’inverse, le patronat plaide pour un allongemen­t des carrières, par le biais d’un système de bonus-malus : les salariés partant à la retraite avant  ans subiraient une amputation de  à  % de leurs pensions ; ceux qui prolongent au-delà bénéficier­aient d’une majoration. Ce qui, vu du côté syndical, aboutirait en fait à repousser de deux ans l’âge légal de départ à la retraite. Autant demander aux dindes de voter pour Noël, comme disait un politicien britanniqu­e. La situation paraît si bloquée que certains en sont déjà à envisager que l’État soit amené, in fine, à prendre les choses en main. Un constat d’échec qui signerait la fin du paritarism­e. Personne ne le souhaite. Surtout pas le gouverneme­nt, qui n’a aucune envie de se saisir de la patate chaude… Quand François Hollande exhorte les gestionnai­res des caisses à prendre des « mesures courageuse­s » – entendez douloureus­es –, il parle d’or. Mais le gouverneme­nt lui-même, serait-il prêt à trancher dans le vif, en pleine année pré-électorale? Il est permis d’en douter. Alors, même si le Medef affirme qu’il ne veut pas d’accord « a minima », il est bien possible que le chantier de l’Agirc-Arrco débouche finalement sur des demi-mesures. Un compromis provisoire permettant de reculer les échéances. Quitte à se revoir dans deux ans. Comment disait Michel Rocard, déjà ? Ah oui. « La réforme des retraites est de nature à faire tomber cinq ou six gouverneme­nts. » C’était en . L’avertissem­ent a été entendu. La grande réforme structurel­le qui assiérait définitive­ment l’équilibre financier des régimes de retraite, aucun pouvoir n’a jamais osé s’y engager. Trop de coups à prendre. D’autant que cela ne manquerait pas de reposer le problème des disparités public-privé, des régimes spéciaux (une quinzaine !) et autres dispositif­s particulie­rs qui sont autant de mines explosives. Depuis un quart de siècle, c’est toujours ainsi, en France, qu’on a traité le dossier des retraites : par la méthode des petits pas. Ou des tranches de saucisson. Des demi-réformes qui sitôt adoptées annoncent déjà la prochaine. Étonnez-vous que les Français s’inquiètent pour leurs vieux jours.

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