La patate chaude des retraites
Et de six ! Pour la sixième fois, syndicats et patronat se retrouvent aujourd’hui pour tenter de régler le problème du financement des régimes de retraites complémentaires. Et sauf coup de théâtre, constater une fois de plus qu’ils sont en complet désaccord. Toutes les données sont sur la table : du fait de la démographie (départ à la retraite des générations du Baby-boom) et de la persistance du chômage de masse, l’Agirc et l’Arrco sont dans le rouge. À défaut d’accord, le déficit cumulé des deux organismes chargés de servir les pensions complémentaires des retraités du privé devrait avoisiner les milliards d’euros en . Et , c’est demain. Mais si tout le monde est à peu près d’accord sur le diagnostic, c’est sur les remèdes, évidemment, que les partenaires sociaux divergent. Pour les uns – les syndicats –, on ne pourra pas faire l’économie d’un relèvement des cotisations. À l’inverse, le patronat plaide pour un allongement des carrières, par le biais d’un système de bonus-malus : les salariés partant à la retraite avant ans subiraient une amputation de à % de leurs pensions ; ceux qui prolongent au-delà bénéficieraient d’une majoration. Ce qui, vu du côté syndical, aboutirait en fait à repousser de deux ans l’âge légal de départ à la retraite. Autant demander aux dindes de voter pour Noël, comme disait un politicien britannique. La situation paraît si bloquée que certains en sont déjà à envisager que l’État soit amené, in fine, à prendre les choses en main. Un constat d’échec qui signerait la fin du paritarisme. Personne ne le souhaite. Surtout pas le gouvernement, qui n’a aucune envie de se saisir de la patate chaude… Quand François Hollande exhorte les gestionnaires des caisses à prendre des « mesures courageuses » – entendez douloureuses –, il parle d’or. Mais le gouvernement lui-même, serait-il prêt à trancher dans le vif, en pleine année pré-électorale? Il est permis d’en douter. Alors, même si le Medef affirme qu’il ne veut pas d’accord « a minima », il est bien possible que le chantier de l’Agirc-Arrco débouche finalement sur des demi-mesures. Un compromis provisoire permettant de reculer les échéances. Quitte à se revoir dans deux ans. Comment disait Michel Rocard, déjà ? Ah oui. « La réforme des retraites est de nature à faire tomber cinq ou six gouvernements. » C’était en . L’avertissement a été entendu. La grande réforme structurelle qui assiérait définitivement l’équilibre financier des régimes de retraite, aucun pouvoir n’a jamais osé s’y engager. Trop de coups à prendre. D’autant que cela ne manquerait pas de reposer le problème des disparités public-privé, des régimes spéciaux (une quinzaine !) et autres dispositifs particuliers qui sont autant de mines explosives. Depuis un quart de siècle, c’est toujours ainsi, en France, qu’on a traité le dossier des retraites : par la méthode des petits pas. Ou des tranches de saucisson. Des demi-réformes qui sitôt adoptées annoncent déjà la prochaine. Étonnez-vous que les Français s’inquiètent pour leurs vieux jours.