Var-Matin (Grand Toulon)

« Camba-Délices »

- par Denis Jeambar

Jean-Christophe Cambadélis, le Premier secrétaire du Parti socialiste, est un personnage très singulier. Contrairem­ent à tous ses camarades de jeu de gauche, comme de droite, ce n’est pas un homme de pouvoir au sens traditionn­el du terme. En mai , sans doute fut-il le seul hiérarque socialiste à ne pas rêver d’un portefeuil­le ministérie­l. Sa passion, en effet, est ailleurs. Le jeu politique avec ses rapports de force, ses manoeuvres d’appareil, ses combinaiso­ns et ses ruses, le fascine plus que l’action gouverneme­ntale ellemême. Trouver les moyens pour vaincre l’intéresse plus que le but lui-même. C’est pour cela qu’il n’aspirait qu’à une chose : la direction du PS. Le parti est, de fait, le levier premier dans la conquête du pouvoir. Le référendum sur l’unité de la gauche et des écologiste­s aux élections régionales, dont on connaîtra le résultat demain soir, ne pouvait donc sortir que de l’imaginatio­n fertile de cet homme fortement influencé

par sa formation trotskiste initiale. Ce scrutin est, d’abord, un coup tactique, une carte abattue alors que nul ne s’y attendait. Il s’agissait en fait de mettre au pied du mur les écologiste­s et le Front de gauche qui ont décidé de se jeter dans la bataille des régionales de décembre sans faire liste commune avec le PS. La tactique est claire : Cambadélis entend arracher à son électorat un vote très favorable à l’unité pour culpabilis­er les Verts et les amis de Jean-Luc Mélenchon. Nul doute qu’il parvienne à ses fins demain et obtienne le « oui » espéré. Quelle que soit l’ampleur de la participat­ion et du résultat, d’ailleurs, il criera victoire. Mais il sait bien, car il est tout sauf naïf, que ce succès ne changera pas le cours des choses. La gauche se présentera divisée aux régionales. Rien n’arrêtera cette machine à perdre. Mais JeanChrist­ophe Cambadélis se moque bien que cette consultati­on soit un « référenflo­p ». Il a organisé une partie de billard à plusieurs bandes. En décembre, si la gauche subit la Bérézina annoncée, il pourra lancer des anathèmes contre ces traîtres à l’unité qui n’ont pas voulu écouter les militants et les sympathisa­nts. Il leur fera porter le chapeau de l’échec, exonérera du coup la responsabi­lité du PS et prononcera un appel solennel à l’unité pour la course élyséenne de  dans le style : « Tous derrière François Hollande si vous ne voulez pas revivre le cauchemar du  avril  ». Ces calculs sont malins, trop malins peut-être. Ce pur jeu tactique passe au-dessus de la tête des Français. Leurs préoccupat­ions quotidienn­es sont très loin de ces «Camba-Délices».

« Tous derrière François Hollande si vous ne voulez pas revivre le cauchemar du 21 avril 2002 »

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