À la Turbie (), le fourgon était plein d’animaux sauvages : un an requis
Les douanes cherchaient ce jour-là à la Turbie, dans les Alpes-Maritimes, surtout des contrefaçons ou de la drogue. Quand, le 27 avril 2013, ils contrôlent un fourgon en provenance d’Espagne, ils sont loin d’imaginer qu’ils vont tomber sur un singulier Arche de Noé. Ils découvrent à l’intérieur deux jeunes lionnes, dix caïmans à lunettes, deux tortues, quatre lémuriens, deux dingos, trois singes… et un immense python albinos mort. « Une surprise totale », confirme Marie-Catherine Kuntz, la directrice des douanes.
Une amende de € réclamés
Les deux chauffeurs tchèques expliquent qu’ils sont partis de Madrid et doivent livrer leur marchandise en Tchéquie et en Pologne pour le compte de Francisco Gomes, un Espagnol de 29 ans. Absent hier de son procès devant le tribunal correctionnel de Nice, le prévenu était représenté par Me Michel Tolosana. Il était poursuivi pour détention d’espèces menacées d’extinction, importation en contrebande, détention de cadavre d’animal, transport et mis en vente d’espèces protégées… en tout six infractions. Les douanes lui réclament une amende 17 450 euros, soit une fois la valeur marchande des « 21 animaux », « entassés, sans aucune justification d’origine ni autorisation de transport ».
Au repos au Parc Phoenix
La porte-parole des douanes, en présence des vétérinaires, des pompiers et de la Direction de la protection des populations, insiste sur le stress de ces animaux dans ce fourgon sans chauffage : « Des proies étaient mélangées à des prédateurs. Ils n’avaient ni eau ni nourriture. » « Les lionnes étaient dans une seule et même cage non sécurisée », remarque à son tour le lieutenant-colonel Véronique Vienet, vétérinaire des sapeurs-pompiers. Le procureur Clotilde Galy requiert un an de prison assorti d’un mandat d’arrêt, 100 000 euros d’amende et la confiscation du camion et des animaux. Des animaux qui, depuis leur prise en charge, coulent des jours heureux dans divers parcs animaliers notamment au Parc Phoenix de Nice. Pour la défense du transporteur, Michel Tolosana tente de dédramatiser le dossier en ironisant : « On présente mon client comme un criminel de haut vol. Mais ce dossier est tellement simple qu’ils s’y mettent à quatre pour le comprendre. »
Une jungle réglementaire
Dans la jungle réglementaire, une chienne n’y retrouverait pas ses petits. Le président David Hill, avec patience, a repris les infractions au code rural, au code douanier, à la convention de Washington… ainsi les caïmans de Guyane étaient dotés d’un certificat qui les autorisait à voyager, contrairement aux autres animaux du fourgon. Une lionne sur deux était dotée d’une puce électronique, obligatoire pour sa traçabilité. Les makis doivent être nés en captivité depuis deux générations pour ne pas être en infraction. Me Tolosana s’en amuse et s’élève contre la sévérité du réquisitoire : « Mon client a un casier vierge. Je vous ai apporté les documents qui effectivement ne se trouvaient pas dans le camion au moment du contrôle. Il ne reste, dans cette affaire, que quelques graviers au fond du tamis. » L’avocat de la défense veut bien admettre le stress du singe, « qui a peur d’être transformé en tapas quand il arrive midi et que l’estomac du lion s’allonge ». Sourires des juges. Mines graves sur le banc des parties civiles. Le jugement a été mis en délibéré au 19 février.