Ces sites qui proposent un permis d’infidélité Sexo
Tromper sa femme ou son mari en toute discrétion, c’est la promesse d’un grand nombre de sites qui remettent au goût du jour le fameux 5 à 7. L’infidélité se serait-elle banalisée?
Difficile d’échapper à l’existence de ces sites, en ce temps de campagnes d’affichage sur les bus et en « 4 x 3 » sur les murs des grandes villes… D’autant qu’ils rivalisent d’ingéniosité en matière de slogan : « Chez nous, vous ne trouverez pas de carte de fidélité », clame l’un, tandis que l’autre nous intime de « rester fidèle à nos désirs » . On a l’impression que la France entière est saisie par le démon de l’infidélité! « Toutes ces campagnes n’ont pour but que de la banaliser, et donc de déculpabiliser ceux qui sont tentés de franchir le pas », analyse le sexologue Alain Héril 1). Il y a désor
( mais même un site qui revendique sa conception par les femmes : vous voyez bien, même elles, elles s’y mettent!
Tromper pour l’équilibre
Les messages publicitaires de ces sites sous-entendent un propos qui interroge : il y aurait d’un côté le couple, symbole de la vie pépère, face aux aventures extraconjugales, qui seules promettent la fantaisie. Mieux – ou pire… – l’infidélité est présentée comme bonne pour l’équilibre personnel : cet « ailleurs » offre un sas, une parenthèse de décompression, bref, être infidèle deviendrait presqu’une arme antistress qui devrait être remboursée par la Sécurité sociale! Elle serait également recommandée pour le bon fonctionnement du couple, puisqu’un partenaire satisfait est de meilleure humeur… Enfin, ces rencontres seraient l’occasion, dixit certains inscrits, d’échanges fructueux : « Avec Bernard, nous discutons beaucoup de nos difficultés de couple et grâce à lui, j’ai mieux compris le fonctionnement de mon mari », note Florence. Un témoignage loin d’être isolé. « L’amant et la maîtresse sont devenus des partenaires bienveillants, prêts à donner des conseils pour sauver le couple. C’est une concur-
D’aucun prétendent que la transgression a toujours été un piment dans la sexualité. Désormais, grâce à Internet, ils s’en donnent à coeur joie...
rence dangereuse si les infidèles commencent à se servir mutuellement de thérapeute ! », s’amuse Alain Héril.
Tromper en toute sécurité
La particularité de ces sites? Les partenaires affichent clairement qu’ils ne sont pas libres. Il ne s’agit pas de venir y trouver le prince charmant, mais l’aventure sans lendemain, assuré de ne pas avoir de pression pour donner suite. « Il n’y a pas a priori d’engagement émotionnel : on borne toute possibilité d’émergence d’un attachement. Cela semble terriblement moderne, alors que c’est en fait très bridé ! », souligne le sexologue. Revenons un peu en arrière… Dans la mouvance des années soixantedix, on revendiquait une liberté sexuelle, la possibilité d’avoir des expériences hors du couple, mais en toute transparence, pour contrer l’hypocrisie de l’adultère bourgeois. Et aujourd’hui? On est revenus à la discrétion, puisque certains sites fournissent même des alibis, avec des fausses convocations à des réunions, des prétendus séjours d’affaires. Ce qui revient en fait à une position très dix-neuvième, à cela près que les femmes ont également accès au coup de canif dans le contrat. « Pourtant, regrette notre spécialiste, un désir d’infidélité dans un couple est toujours une occasion de revenir sur ce qu’il vit. » Qu’est-ce que je n’ai pas, qu’estce qui me manque? Que vais-je y chercher? La preuve que je suis toujours désiré et désirable? Ces questions éludées évitent toute remise en question.
Bon pour le couple, vraiment ?
Sans vouloir faire de morale – chacun conduit sa vie comme il l’entend – force est de constater que ces petits arrangements avec l’ennui conjugal ne font pas forcément du bien au couple, malgré les réassurances de ces sites. « Ils nous empêchent de chercher des solutions pour dynamiser la sexualité, on se laisse enliser, on baisse les bras en allant chercher l’aventure en dehors », constate Alain Héril. On sait bien que la transgression a toujours été un piment dans la sexualité : l’interdit redouble l’excitation, la nouveauté du partenaire aussi. « Ces sites de rencontres extraconjugales renforcent une fois de plus la dichotomie entre sexe et sentiments, ce n’est pas faire preuve d’une grande maturité relationnelle que de céder à ces sirènes », poursuit le sexologue. Pour le couple, le défi à relever n’est-il pas plutôt de parvenir à maintenir le désir au sein d’une foule de contraintes imposée par la vie commune : les enfants, le travail, la famille? Le dessinateur Wolinski avait une jolie formule, lui, qui a été marié pendant plus de quarante ans à Maryse : « Je préfère faire des choses différentes avec la même femme, que la même chose avec des femmes différentes. » À méditer…
« C’est en fait, très bridé… »
1- Auteur de Ces confidences qui soignent, aux éditions Bussière