Vade-mecum du papabili
A l’entrée de la chaîne de télé, serrer la main des vigiles et saluer l’homme de ménage. Faire un signe amical aux machinistes. Embrasser la maquilleuse. Remercier le meneur de jeu pour son invitation. Pousser la coquetterie et la mémoire jusqu’à n’avoir aucune note devant soi. En revanche, poser bien en évidence le livre tout frais paru et répondant par avance à toutes les questions qui seront posées. Assurer que le bouquin a été écrit seul de la première à la dernière ligne. Evoquer la traversée du désert mais sans accabler les chameaux. Se souvenir que les réponses sont toujours plus indiscrètes que les questions. Louer la pertinence de questions auxquelles on se réserve de répondre plus tard, c’est-à-dire jamais. Faire preuve de la plus grande humilité en dépit de l’ambition de devenir le magistrat suprême. Reconnaître ses erreurs avant de se les entendre reprocher. Se plier à tous les exercices même les plus saugrenus et les plus répétitifs dès lors qu’ils paraissent amuser les journalistes et réjouir le public du studio. Garder pour la bonne bouche son « Moi, président » . Remercier de nouveau pour l’invitation. Tremper les lèvres sans faire la grimace dans le champagne tiédi par les projecteurs. Demander le numéro de son portable à la maquilleuse pour une émission ultérieure. Donner l’accolade aux vigiles et à l’homme
de ménage.