Inna Modja chante le Mali qui coule dans ses veines
Interview Son troisième album Motel Bamako rend hommage à ses origines. Elle sera samedi, en concert, à Saint-Raphaël pour partager avec le public son combat de femme!
Inna Modja a grandi dans une famille bienveillante. Le Mali lui a donné la force de s’exprimer en toute liberté. Depuis que le pays est contaminé par un intégrisme ravageur, elle a fait de son quotidien un combat, grâce à sa musique. Elle chante à haute voix le silence qui est imposé aux femmes de sa terre. Son troisième album Motel Bamako parle sans retenue de son engagement pour la condition féminine et des détracteurs qui s’avancent à visage couvert. De son corps tout en beauté, l’artiste en a fait un instrument de révolte. Ses textes sont engagés, chantés en bambara, sur des rythmiques mêlant électro, disco et hip-hop. Quand on écoute ses paroles, on est transporté par la qualité de ses mots. Le message est clair. Laissons vivre un peuple qui, dans la difficulté, reste attaché à ses valeurs et à ses coutumes. Rendez-vous à Saint-Raphaël pour un spectacle unique ce samedi.
Votre troisième album Motel Bamako est très engagé. Qu’elle est votre message? Dans mon album, je parle de choses différentes. Tout d’abord, de mon engagement pour une meilleure condition des femmes. La lutte contre l’excision que je mène depuis des années sur le terrain avec différentes associations et les États-Unis. La situation chez moi au Mali est difficile, avec cette guerre contre le terrorisme que l’on vit depuis trois ans. J’ai commencé à écrire mes textes quand les conflits ont éclaté. C’est des événements qui m’ont bouleversée car j’habite entre Paris et Bamako, et toute ma famille vit au Mali. C’est une situation qui me pèse et j’avais envie de la partager. Et puis aussi, l’envie de parler de tout ce qui est beau en Afrique.
Avez-vous écrit la totalité des textes de vos chansons? Oui! Et en plus ils sont en bambara (rires)… Mis à part un titre écrit avec les membres du groupe anglais, The Noisettes, qui sont mes amis. On avait envie que le blues malien rencontre le blues anglo-saxon. Mais j’écris et je compose toutes mes chansons.
Votre style de musique a changé. Pourquoi cette nouvelle orientation artistique? Je suis revenue à la musique de mon enfance, la musique malienne, mais je l’ai fait à ma façon. Je me suis attribué les codes de ma génération comme le hiphop et l’électro underground. Ce qui donne un beau mélange de cultures.
Quels sont vos engagements auprès des femmes au Mali et en France? Je travaille avec les Nations Unies à New York contre les violences faites aux femmes. En France, je suis ambassadrice de l’AMREF qui est une ONG qui forme des sages femmes en Afrique. Elles doivent faire un suivi des mamans et des enfants. J’avais besoin de m’investir dans différentes organisations qui sont toutes engagées à protéger les femmes.
Comment vivez-vous et comment vit votre famille cette montée en puissance de l’intégrisme dans le monde? Nous le vivons tous très mal. Ce qui est fort au Mali, c’est que nous restons unis, comme en France d’ailleurs. Les groupements terroristes qui sont venus occuper le nord du Mali obligent les femmes à se voiler, ils appliquent la charia. Ils attaquent régulièrement les peuples, ce qui a des conséquences dramatiques sur les personnes, l’économie…
Parlez-nous de vos projets de chanteuse, mannequin, actrice, à venir dans les prochains mois? J’ai une grande tournée qui s’annonce chargée, elle va me prendre beaucoup de temps. En ce qui concerne le mannequinat, cela fait longtemps que j’ai arrêté, mais cela m’a donné une indépendance financière au début de ma carrière. Côté cinéma, j’ai fait mon premier film avec le réalisateur franco-malien, Daouda Coulibaly, qui sort cette année. Son nom, Wulu!
D’où vient cette énergie qui est en vous? Je suis hyperactive! Depuis toujours j’ai diverses activités. Je fais des choses qui me font du bien, qui me permettent d’explorer ma créativité. C’est important pour mon équilibre personnel de faire de la musique comme de m’investir dans des causes humanitaires. Mes parents m’ont transmis de belles valeurs. Mon père est le plus grand chauviniste que je connaisse. On est cinq filles et deux garçons, plus deux cousines que nous avons élevées, soit sept filles à la maison! Mes parents nous ont appris à valoriser les femmes. Ma mère était présidente d’une ONG de prévention contre le sida et elle s’occupait aussi de jeunes filles pour qu’elles apprennent à lire et à écrire. Moi, j’ai grandi dans ce milieu et c’est naturellement que je défends la cause des femmes.
Mon père est le plus grand chauviniste que je connaisse!