Contre la liberté d’exploiter
voie pour mettre fin au contentieux judiciaire avec Bernard Tapie, aussi tentaculaire – neuf procédures parallèles – que coûteux – 32 millions d’euros d’honoraires d’avocats par an pour l’État. Ils sont huit, qui représentent sept pays européens, dont la France et l’Allemagne, et couvrent un large éventail politique, allant des socialistes aux démocrates-chrétiens. Huit ministres du travail en exercice, dont Myriam El Khomry donc, qui appellent à réformer en profondeur le régime des travailleurs détachés en Europe. « La liberté de circuler, écrivent-ils d’une même plume, ne doit pas être la liberté d’exploiter. » Le fait est pour le moins insolite. En général, ce sont les citoyens qui pétitionnent. Pas les ministres. Et c’est l’opposition qui exige des réformes. Pas les gouvernements en place ! les effets pervers d’une règlementation conçue à l’origine (en ) pour combattre le dumping social… et qui a abouti à le favoriser. La directive prévoit en effet que les travailleurs détachés bénéficient – en principe – des conditions de travail et de rémunération du pays d’accueil ; mais les cotisations sociales, elles, sont celles du pays d’origine. L’Europe, parfois, est comme l’enfer : pavée de bonnes intentions. Il s’agissait d’aider l’Espagne et le Portugal à se mettre à niveau. Avec l’élargissement () et l’arrivée de pays présentant de très fortes disparités de salaire et de protection sociale, le système va exploser et engendrer toutes sortes d’abus et de dérives : travail dissimulé, exploitation, concurrence déloyale… Jusqu’à cette pittoresque invention : les travailleurs détachés… dans leur propre pays, via des agences d’intérim domiciliées dans des pays où les charges sociales sont minimales. Malgré un timide toilettage en , et le renforcement des sanctions dans la loi française, ce système a continué à prospérer – millions de travailleurs détachés aujourd’hui – et à déployer ses effets néfastes. De sorte qu’en France, la directive de fait l’unanimité contre elle. Plus exactement : il y a ceux qui veulent l’abroger (Parti de gauche, Front national), et ceux qui veulent la renégocier (PS et Républicains). Sinon, menaçait Manuel Valls en juillet dernier, « il faudra dire que la France ne l’applique plus ». Sous des dehors techniques, le sujet, on le voit est éminemment politique. Il met à l’épreuve la capacité de nos dirigeants à agir. Le « coup de pression » mis par le groupe des huit réussira-t-il à faire bouger Bruxelles et nos partenaires est-européens ? C’est à souhaiter. Faute de quoi, il ne faudrait pas s’étonner si les électeurs, lassés de l’impuissance de nos politiques et des atermoiements de l’Europe, décidaient de se venger dans les urnes.
« La liberté de circuler, écrivent-ils d’une même plume, ne doit pas être la liberté d’exploiter. »